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LA PLUME ET LE ROULEAU

LA PLUME ET LE ROULEAU

250 chroniques éclairent le présent à la lumière de l'histoire


1793 : Match acharné pour la COURONNE DE FRANCE

Publié par La Plume et le Rouleau sur 21 Janvier 2002, 13:34pm

Catégories : #Civilisation - vie politique - société

Mes Cher(e)s Ami(e)s,

Il est 10 h 22 en ce 21 janvier 1793. Sur l’actuelle place de la Concorde à Paris, la guillotine tranche la tête du roi Louis XVI, après que celui-ci ait adressé un dernier message à ses contemporains : « Peuple, je meurs innocent des crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France. »

L’occasion nous est donné de nous pencher sur quelques aspects dynastiques de la monarchie française. Ne comptez pas trouver toutefois ici des détails croustillants sur la jet-set à particules mais juste, comme à l’habitude, un divertissement historico-culturel dont je vous garantis la véracité.

Car Louis XVI mort, qui après ? Certes, personne ! Seulement le peuple qui se gouverne par lui-même et pour lui-même.

Pourtant la France ne manque, aujourd'hui encore, pas de prétendants et hormis les descendants de la famille Bonaparte, deux candidats se présentent pour une hypothétique restauration monarchique en France. Deux candidats pour un seul titre, une seule couronne.

Quel match mes chers amis ! Voici les deux prétendants qui montent sur le ring sous les projecteurs et les cris ! Et ce sont les Chroniques de la Plume et du Rouleau qui vont arbitrer.

D’une part : le très "vieille France" « Comte de Clermont » désormais héritier puisque son père le ténébreux "Comte de Paris" est décédé en 1999. Il représente la branche française des Bourbons appelée « Orléans » (ses partisans sont les « orléanistes »). Gants blancs aux fleurs de lys, air aristocratique, il fait dans le genre « Point de vue - image du monde » et « Figaro Magazine ».

C'est le tenant du titre, il n'a rien d'un usurpateur. Et pourtant ?

(Cris du public, hurlements d’encouragements).

Mais voici d’autre part l'arrivée du jeune (il est né en 1974) et sémillant espagnol Luis Alfonso, descendant de la branche espagnole des Bourbons dite « Bourbons Anjou » (ses partisans sont les « légitimistes »). Short mauve et fleurs de lys (aussi), il fait plutôt dans les soirées jet-set madrilènes et « Gala ». L’espagnol peut-il porter l’estocade ?

(Clameurs, la foule se déchaîne).

Rappelons d’abord brièvement les règles coutumières de dévolution de la couronne de France qui présideront au match. Ces règles sont au nombre de quatre :

- (Une !) : Masculinité ! Les femmes ne peuvent pas monter sur le trône et leurs descendants n’ont pas de droit à la couronne, l’héritier est le plus proche parent par les mâles.

- (Deux !) : Primogéniture ! C’est l’aîné qui hérite en premier

- (Trois !) : Indisponibilité et (quatre !) : Permanence de la couronne. En France le roi ne peut déshériter un héritier légitime, ni s’en créer autoritairement un autre ni même (c’est original) abdiquer.

Et le match commence !
Gong !

Les fils de
Louis XVI sont tous deux décédés, l'un avant la Révolution, l'autre (Louis "XVII") après.

La branche des « Bourbons Orléans » est issue de Philippe, duc d’Orléans (1640-1710), le second fils de Louis XIII et donc frère cadet de Louis XIV. Dix générations plus tard, le Comte de Paris le potentiel « Henri VIII », revendique le trône et la couronne à son profit.

Pourquoi ?

Il attaque rapidement d’un direct du droit : la branche des Bourbons de France, issue de Louis XIV, est définitivement éteinte depuis le décès, à la prison du Temple le 8 juin 1795 du petit « Louis XVII ». Le frère de Louis XVI, Louis XVIII est, lui, mort sans postérité. Quant au second frère de Louis XVI, Charles X, son petit-fils le « Comte de Chambord » est mort à son tour le 24/8/1883, également sans postérité.

C’est donc, sans dommage (ah ! ah !) la ligne collatérale la plus proche, celle des « Orléans », qui fournit l’héritier du Trône : celle dont descend le « Comte de Paris » actuel... CQFD.

Il enchaîne très vite avec un crochet du gauche au foie et un autre argument : en 1713, la guerre de succession d’Espagne a permis l’accession d’un petit-fils de Louis XIV sur le trône d’Espagne (ce sont les Bourbons espagnols). Par le traité d’Utrecht, ce roi d’Espagne a renoncé pour lui et pour ses descendants à la couronne de France. Les « Orléans » ont donc le champ libre en France. 

Mais l’arbitre intervient : le crochet du gauche était en réalité au-dessous de la ceinture : du point de vue strict du droit médiéval, la renonciation au trône contenue dans le traité d’Utrecht est nulle. Le roi ne peut renoncer ni obliger quiconque y aurait légitimement droit à renoncer à la couronne de France 

Il conclut avec un swing du droit : les Bourbons d’Espagne ne sont de toutes façons pas aptes à la succession au trône d’Espagne en raison de leur nationalité : il faut être français pour être roi de France, merde, quoi, non !?

Aah là là ! L’espagnol vacille... Il semble touché !

Mais celui-ci riposte par un direct du gauche : le concept de nation, et donc de nationalité, est inconnu dans l’Ancien Régime où seul le principe dynastique est en vigueur.

Un exemple ? Et non des moindres : Henri IV (voir ci-dessus), par exemple, fut appelé à régner sur la France bien qu’il fût roi de Navarre, de nationalité étrangère, et ne parlât qu’imparfaitement le français ! La nationalité, qui fait de celui qui la possède un citoyen et non un sujet, est un concept purement républicain issu de la philosophie des Lumières.

Il est particulièrement savoureux de voir qu’un prétendant à la monarchie tente de tirer avantage d’un concept élaboré par ceux-là même qui abattirent la forme de gouvernement qu’il prétend restaurer !

Aah là là ! Rude coup pour le « Comte de Paris » qui est sonné tandis que le public se gausse...

Bon. Un peu de sérieux.

Les prétentions des Bourbons espagnols sont-elles pour autant valides ?

Sans entrer dans le détail des luttes successorales extrêmement complexes qui agitèrent l’Espagne au XIXème siècle, disons simplement que le jeune Luis Alfonso de Bourbon descend bien de l’un des petit-fils de Louis XIV et est, à ce titre, aujourd’hui l’aîné de tous les mâles descendant par les mâles de la ligne collatérale la plus ancienne et la plus proche du dernier bourbons Français (Louis XVI). Les tenants de ce prétendant portent, non sans raison, le nom de « légitimistes ».

Alors, potentiellement, OUI, le jeune Luis Alfonso de Bourbon pourrait être sacré roi de France...

A moins...

A moins qu’un détail ne vienne ternir et donc définitivement ruiner ses espoirs. Car pour détenir des droits à la couronne, il faut être issu d'un mariage légitime. En 1715, Louis XIV, dans son testament, avait tenté de faire monter sur le trône les enfants qu'il avait eus avec sa maîtresse Madame de Montespan : le duc du Maine et le comte de Toulouse. Cette disposition avait été invalidée.

Or l’un des ancêtres de notre prétendant espagnol, Francisco de Paula, fut déclaré adultérin par le parlement espagnol en 1812 et écarté lui-même de la succession au trône espagnol. Sa possible illégitimité fait donc peser une hypothèque lourde sur la validité des prétentions de son lointain descendant Luis Alfonso qui descendrait encore de Louis XIV mais via une femme.

Désemparé le boxeur ibère ?

Pas tout à fait car cette illégitimité n’est pas réellement avérée : Francisco de Paula fut écarté par les « Cortès » mais jamais désavoué par son propre père. Cette illégitimité ne peut être invoquée par les actuels « Orléanistes » qui ne peuvent objectivement la démontrer.

Ah là là, les ibères sont rudes...

Au final, compte tenu de la difficulté d’appliquer strictement des principes de dévolution de la couronne aujourd’hui tombés en désuétude et dont, objectivement, tout se monde se fout complètement, on peut penser que si une restauration devait avoir lieu en France, elle ne pourrait que s’appuyer préalablement sur une forme de légitimité populaire du prétendant.

Et là, y’a pas photo : les lectrices de « Gala » ne connaissent rien à l’histoire du droit dynastique mais elles constatent que Juan Alfonso est beau garçon et roule en BMW.

De sérieux arguments, non ?

Bonne journée à tous et olé !

La Plume et le Rouleau © 2002

D'autres mystères et secrets vont sont également dévoliés dans La cinquième nouvelle...

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E
<br /> ah!? je ne connaissais pas ce site<br /> Philipulus le prophète, oui c'est ça !<br /> <br /> un Philipulus matiné de Zorglub<br /> <br /> j'en rigole tout seul devant mon ordi<br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> Je suis ça de loin, mon intérêt est historique.<br /> En faisant leur marché au sein des Lois Fondamentales selon ce qui leur permet de prétendre, les Orléans, outre qu'ils me font rire, m'enlèvent mon gagne-pain ! ;-)<br /> <br /> Maintenant, si vous avez un "scoupe" ... (comme aurait certainement écrit Marcel Aymé)<br /> <br /> Cela vous amusera peut-être de consulter le blog d'un homme qui dit avoir reçu de saint Michel Archange la révélation qu'il était l'héritier légitime<br /> (boudille !)<br /> <br /> Si vous tapez "grand monarque " sur Gogol, vous devriez trouver<br /> <br /> <br />
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H
<br /> <br /> C'est un peu le Philippulus (le prophète errant de "L'Etoile Mystérieuse") de la monarchie !<br /> <br /> <br /> http://home.nordnet.fr/~avalfroy/magie/granmona2.html<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> bonjour,<br /> <br /> Même si l'on prouvait que François de Paule était adultérin, Louis de Bourbon serait certes écarté mais cela ne ferait pas des Orléans les héritiers pour autant.<br /> En effet, ce serait les cousins de Louis de Bourbon, dont l'embranchement remonte au 18e donc avant le cas François de Paule : les Bourbons Sicile puis les Bourbons Parme.<br /> Les Orléans viendraient seulement en 3e position.<br /> <br /> <br />
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H
<br /> <br /> Les vrais héritiers ne sont pas toujours ceux que l'on croit<br /> <br /> <br /> Merci de votre contribution<br /> <br /> <br /> <br />

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