Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LA PLUME ET LE ROULEAU

LA PLUME ET LE ROULEAU

250 chroniques éclairent le présent à la lumière de l'histoire


1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Publié par Sho dan sur 21 Septembre 2020, 00:00am

Catégories : #Littérature & divers

Cher(e)s Ami(e)s et abonné(e)s des chroniques de la Plume et du Rouleau,

 

600 MILLIONS DE JOUEURS, ET MOI, ET MOI, ET MOI…     

 

Tout le monde joue, a joué un jour ou jouera au moins une fois dans sa vie aux échecs, même James Bond (où la position des pièces n’est pas toujours très réaliste), même l’inspecteur Columbo.ou Tintin..

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Mais l’espion le plus connu au monde, l’inénarrable lieutenant à l'imperméable froissé ou le courageux petit reporter à la houppe ne sont pas seuls.

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

600 millions de joueurs au niveau mondial soit un Terrien sur dix : voilà le nombre (approximatif et extrapolé sur la base de diverses données fournies par la Fédération Internationale des Echecs) de ceux qui, régulièrement, professionnels ou amateurs, licenciés ou non, « poussent le bois » : soit 32 pièces sur 64 cases pour y jouer des parties qui seront en moyenne d’une quarantaine de coups mais pourront (selon les règles actuelles) atteindre (sans les dépasser) 6350 coups.

Et pour atteindre l’objectif ultime du « mat » (nous verrons plus loin ce que signifie ce mot), d’immenses combinaisons sont possibles. Le nombre de situations (« parties ») possibles ayant un sens échiquéen a ainsi été calculé en 1950 par un mathématicien américain du nom de Claude Shannon. Ce « nombre de Shannon » est de… 10 120 (c’est-à-dire 10 suivi de 119 zéros !) Par comparaison, le nombre de particules fondamentales existant dans l'univers observable est ordinairement évalué à 10 suivi de « seulement » 80 zéros...

A l'Hotel des Sommets, la tactique du capitaine Haddock laisse Tintin rêveur... (Tintin au Tibet - 1960 - Hergé)

A l'Hotel des Sommets, la tactique du capitaine Haddock laisse Tintin rêveur... (Tintin au Tibet - 1960 - Hergé)

Parler des échecs vous donne le vertige ? N’ayez crainte, nous n’allons pas ici nous ensevelir sous un déluge de chiffres ni de données encyclopédiques pour lesquelles d’autres sont bien meilleurs que ces modestes chroniques. Ce n’est pas une approche mathématique mais historique et culturelle que je vous propose d’adopter ici, même si, fatalement, les considérations techniques ne seront pas esquivées.

Parlons donc des échecs pour essayer d’en dire, si c’est possible, sinon quelque chose de neuf, du moins d’un peu original.

 

64 CARRES, NOIRS ET BLANCS

Ça ressemblerait au titre d’une chanson de Claude Nougaro, c’est un fait le simple cadre général de ce jeu. Le jeu d’échecs se déroule en effet sur un plateau bicolore de 64 cases (8 X 8 rangées) dont la moitié est noire et l’autre blanche. Les cases noires se situent aux extrémités sud-est et nord-ouest du plateau appelé l’« échiquier » (à l’évocation de ce mot, je chancelle…)

Chacun des deux joueurs dispose de 8 pièces (nobles) et de 8 pions (simples prolétaires) qui « prennent » (capturent) de façon différente.

  • Ainsi les pions (8) se déplacent-ils d’une case seulement à la fois, sauf pour le premier coup, et toujours en avant
  • Les tours (2) se déplacent verticalement ou horizontalement
  • Les fous (2) se déplacent diagonalement
  • Les cavaliers (2) se déplacent par des mouvements en angle droit (ça se corse) : 2 cases puis 1 ou 1 case puis 2
  • Le roi (1) se déplace dans tous les sens mais d’une seule case à la fois (sans doute empêtré dans son manteau ?)
  • Quant à la reine (ou dame - 1 pièce), elle fait ce qu’elle veut et se déplace dans tous les sens et du nombre de cases qu’elle veut (mais sur une même trajectoire). Non mais…

Derrière ce jeu aux fondamentaux rapidement assimilables se cache en réalité un vaste univers mathématique, intellectuel et même sociologique. C’est la raison pour laquelle les échecs fascinent tout le monde : mathématiciens, informaticiens, psychologues, psychiatres, publicitaires, pédagogues, cinéastes, sportifs, militaires, hommes politiques, policiers, artistes, écrivains et j’en passe. Plus qu’un jeu, les échecs sont en effet une façon de se représenter l’univers et de s’y mouvoir dans le cadre d’une guerre en deux dimensions. Vous vous étonnez sans doute : « guerre » n’est-il pas un mot excessif au regard d’une innocente et ludique activité cérébrale ?

Non.

Et nous allons même voir que, originellement « jeu de guerre », les échecs ont aussi donné, par moments, lieu à une véritable « guerre du jeu ».

 

LES ECHECS : UN JEU DE GUERRE AUX ORIGINES INCERTAINES

Les échecs sont autre chose qu’un jeu. C’est une confrontation sans pitié et d’une violence inouïe qui oblige chaque adversaire à une attitude implacable pour ne laisser à son vis-à-vis aucun espace de faiblesse ni d’hésitation, et cela sous peine de mort. De mort, oui !

Les mots parlent d’eux-mêmes : « échecs » vient du mot shah (le roi, le souverain de Perse, actuel Iran) et l’objectif de chaque partie est de mettre celui de l’adversaire « mat » (mata, c’est-à-dire… mort, toujours en Persan).

Al chah mât (en Arabe) : le roi est mort. L’expression est à l’origine de l’actuel échec et mat !

Les échecs sont dans les faits un jeu de simulation de confrontation militaire multimodale dans laquelle la mort de l’ennemi est l’objectif primaire.

Dans quelles circonstances ont-ils été inventés ? On n’en sait vraiment rien.

La légende en attribue l’invention à Iosophe Xerxès, qui l’aurait imaginé pour Evil-Mérodach : un roi de Perse (562 av. JC – 560 av JC) cité dans la Bible et père de Nabuchodonosor (un souverain bien connu des amateurs de champagne) afin d’offrir un dérivatif et un défouloir à la cruauté de celui-ci. Mais Xerxès n’est pas le seul à être crédité d’une telle trouvaille : d’autres légendes attribue la paternité des échecs au roi hébreu Salomon, au Grec Palamède (pendant la Guerre de Troie), au rusé Ulysse, à Attale (roi de Pergame), à Pyrrhus (le roi d’Epire aux victoires qui étaient aussi coûteuses que si cela avait été des défaites) ou encore à Aristote (le précepteur d’Alexandre le Grand)…

On voit là combien le jeu d’échecs, rattaché à la sphère du pouvoir et de la guerre, symbolise la capacité de s’imposer en réalité davantage par les aptitudes intellectuelles, l’intelligence des situations et la ruse, que par la force brutale…

On raconte aussi l’histoire d’un brahmane indien nommé Sessa qui aurait inventé le jeu et auquel, pour le récompenser et lui montrer sa puissance et sa magnanimité, le roi lui aurait demandé ce qu’il voulait. L’astucieux Sessa aurait alors benoîtement proposé que le roi lui donnât du blé. Mais quelle quantité ? Celle de la totalité des grains que pourrait contenir le plateau de 64 cases à condition que chaque case contienne le double de grains de blé de la précédente… Le roi aurait d’abord accepté puis aurait vite compris son erreur et se serait ravisé… 1 grain sur la case n°1, deux sur la case n°2, quatre sur la case n°3, huit sur la case n°4, 16 sur la case n°5… Certes mais, au bout de 64 cases, avec une telle croissance (« exponentielle »), tout le blé du royaume allait y passer !

On voit là combien, fondamentalement, le jeu d’échecs est également rattaché à la sphère des mathématiques.

Au plan culturel et géographique, l’on a peu de certitudes et certains points demeurent en débat.

 

DE « QUATRE » A « DEUX »

Les échecs sont, de l’avis général quoique non consensuel, d’origine indienne, sous le nom de tchaturanga, un nom qui renvoie au chiffre 4.

Sont-ce les 4 parties de l’armée indienne antique (infanterie, cavalerie, chars et éléphants) ou les quatre points cardinaux indiens antiques (symbolisés par le lion, le cheval, l’éléphant et le zébu ? Au début des années 1980, les archéologues ont ainsi exhumé, en Ouzbékistan, des pièces en ivoire datant de 200 av. JC, de facture indienne et figurant, précisément, un éléphant et un zébu.

Le jeu originel se déroulait-il à quatre joueurs avant d’être réduit à deux ? Ou, au contraire, le jeu à deux a-t-il toujours été la base tandis que celui à quatre n’en était qu’une variante ? Cela reste discuté. Aucun élément archéologique ne permet de trancher ni, non plus, d’écarter l’usage originel de dés pour déplacer les pièces (les dés ont été longtemps utilisés au Moyen-âge et le sont d’ailleurs encore aujourd’hui dans ces variantes qu’on appelle joliment les « échecs féériques »).

Quoiqu’il en soit, c’est très vraisemblablement par l’Asie centrale que le jeu d’échecs s’est diffusé hors de l’Inde puis, sous le nom persan de chatrang, s’est diffusé en Perse (actuel Iran), cela vers le VIème siècle. Les Arabes, dans leur expansion aussi bien vers l’Inde que vers le Maghreb et l’Espagne, vont l’adopter et poursuivre davantage sa diffusion.

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Ce n’est toutefois qu’à partir du IXème siècle que l’on trouve des traces écrites mentionnant le jeu d’échecs. A cette date, on joue désormais « à l’Arabe » avec 2 joueurs et 6 types de pièces (comme aujourd’hui) et le jeu « à l’indienne » (4 joueurs et 4 types de pièces) a été définitivement abandonné. Au IXème siècle sont édités les « problèmes » d’Al Adli : des solutions pour sortir des situations difficiles, notamment dans les mansouba (fin de parties). C’est au XIème siècle que, en Espagne, en Italie, en France, les échecs commencent à apparaitre dans les sources écrites occidentales (des poèmes, des testaments, des livres de jeux…)

 

MOYEN-AGE : VERS LES ECHECS MODERNES

Au Moyen-âge, l’échiquier est constitué de cases rouge et noires. Progressivement, les pièces perdent leur caractère oriental et s’occidentalisent, aussi bien dans leur forme que dans la sonorité de leurs noms. A l’univers militaire se substitue désormais l’univers de la cour royale, qui va lui-même évoluer jusqu’à la Renaissance :

  • Le shah devient « roi » mais il laisse sa sonorité au nom du jeu : les « échecs ».
  • Le firz (occidentalisé en « vizir ») devient vierge puis reine puis « dame » (afin d’éviter la confusion avec le roi, en cas de notation abrégée du mouvement des pièces) : une figure féminine remplace ainsi celle du conseiller du souverain. Elle a d’abord des mouvements limités mais, à l’aube de la Renaissance, la dame acquiert la possibilité de mouvement presque sans restriction qu’on lui connait aujourd’hui.
  • Le « fou » d’aujourd’hui tire ainsi son nom du nom médiéval alphin, qui désignait un juge : une pièce avec un chapeau conique ayant remplacé l’éléphant (dont le nom dérive lui-même de l’arabe al fil). Tous ces mots ont donc la même origine.
  • Le char de combat devient un « cavalier ».
  • Le roukh (chameau) arabe est transformé en rocca italienne qui désigne la forteresse et devient la « tour ». L’origine arabe continue de se retrouver dans le mouvement (inventé au XVIème siècle) consistant à échanger la place du Roi et de la Tour (le… « roque »)
  • Le fantassin, lui, demeure au bas de l’échelle : « pion » (piéton, ouvrier, manœuvre, le type de base, quoi…)

A partir du XIIème siècle, en Europe, les échecs deviennent le jeu de l’élite intellectuelle et sociale : l’aristocratie.

Un chevalier se doit de savoir jouer aux échecs, dont l’apprentissage lui permettra d’acquérir le sens tactique, les capacités d’anticipation et l’habileté manœuvrière requises par sa charge de combattants et, en même temps, lui fait acquérir des qualités de patience et de réflexion. La littérature et les chansons de geste mettent d’ailleurs les échecs en scène : dans le roman de Chrétien de Troyes, c’est grâce aux échecs que Perceval le Gallois met ses ennemis en fuite. Dans la chanson de geste Ogier le Danois, Baudouinet (fils d’Ogier) est quant à lui tué à coups… d’échiquier par Charlot, fils de Charlemagne !

Les échecs, seraient-ils dangereux ? Sans doute dit l’Eglise qui s’alarme :

  • De l’utilisation éventuelle de dés (ouvrant la porte au hasard, par lequel le Diable s’insinue, c’est bien connu)
  • De la passion qui anime les joueurs (conduisant aux jurons et blasphèmes) tant ils perdent le contrôle d’eux-mêmes
  • Et de l’esprit de lucre qui anime ces derniers, qui misent souvent de l’argent…

Tout cela conduit Saint Bernard de Clairvaux (XIIème siècle) à, par exemple, proscrire les échecs dans la règle des Chevaliers du Temple…Au XIIIème siècle, la chanson de geste dite des « Quatre frères Aymon » fait également une mauvaise publicité aux échecs : elle raconte comment le chevalier Renaud, de rage, frappe un jour Bertolai, le neveu de l’empereur Charlemagne à coups… d’échiquier, lui « défonçant le crâne » et lui faisant « jaillir les yeux des orbites » !

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Quand je vous dis que les échecs sont un jeu de violence

Et pourtant, peu à peu, les échecs ne cessent de se diffuser. L’attrait qu’ils exercent se traduit dans la littérature technique qui émerge :

  • le Bonus Socius (1266), par exemple, qui analyse 192 problèmes d’échecs
  • le traité consacré aux échecs, aux dés et au trictrac (ancêtre du jacquet / backgammon) rédigé en 1283 sur l’ordre du roi de Castille Alphonse X le Sage
  • le traité de Nicolas de Nicolaï, sur les échecs et les jeux de tables (début XIVème siècle), en sont une illustration.

 

RENAISSANCE ET GRAND SIECLE : L’ACCELERATION

Avec la Renaissance, le succès des échecs connait une véritable accélération :

  • l’imprimerie favorise la diffusion d’ouvrages et de traités sur les questions d’analyse, de tactique, de problèmes et sur les théories relatives au jeu
  • le jeu lui-même, jusque-là exclusivement aristocratique, se diffuse alors parmi les classes moyennes : commerçants, marchands, bourgeois, édiles se mettent à y jouer
  • les règles évoluent et se fixent : la dame acquiert une liberté de mouvement sur laquelle on ne reviendra pas et qui confère aux échecs un dynamisme inconnu jusque-là. A leur façon, les échecs aussi « sortent » du Moyen-âge pour entrer dans la modernité…
  • enfin, apparaissent les premiers joueurs « internationaux ». Des individus parcourent l’Europe, se mesurent aux joueurs locaux et rapportent de leurs voyages des « ouvertures », des « défenses » et des « attaques » qu’ils compilent ensuite dans des ouvrages qu’ils publient. Le prêtre espagnol Ruy Lopez de Segura (XVIème siècle) ou Giochino dit « le Calabrais » (début XVIIème) en sont des exemples. A cette date, les échecs européens sont dominés par les joueurs méditerranéens.

Les réfractaires à cet engouement, cependant, continuent à donner de la voix. Ainsi l’écrivain français Michel de Montaigne (1533 – 1592) affirme-t-il : « Je hais et je fuis ce jeu […] Quelle passion ne nus y exerce ? La colère, le dépit, l’impatience et une véhémente ambition de vaincre. »

Au XVIIème siècle, en revanche, Thérèse d’Avila et François de Sales apprécient les échecs : la première considère les tentatives de mater le roi adverse comme la métaphore d’une tentative de cerner Dieu et le second cite le jeu des échecs dans un chapitre de son Introduction à la vie dévote (1608), consacré aux « Passe-temps et divertissements et surtout ceux qui sont licites et louables. »

Le XVIIIème siècle est une période qui voit un âge d’or des échecs français avec la personnalité de François-André Danican Philidor, musicien né à Dreux qui va introduire des changements stratégiques importants par le rôle qu’il donne aux pions. Cette domination se poursuit au début du XIXème siècle avec Mahé de la Bourdonnais (le petit-fils de l’ancien gouverneur de l’Ile Maurice, lorsqu’elle s’appelait encore « Ile de France ») ou encore Fournier de Saint-Amant. C’est l’époque où triomphe le style défensif appelé « positionnel ».

 

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

FORT COMME UN TURC… MECANIQUE

Mais déjà, à l’approche du XIXème siècle, futur siècle de l’industrie, on s’interroge : et si on décidait d’opposer un homme à… une machine ? Voici l’histoire étonnante du « Turc mécanique », un automate construit par l’ingénieur allemand Wolfgang von Kempelen, décidé à épater l'Impératrice d'Autriche Marie-Thérèse (mère de la reine de France Marie-Antoinette).

La machine de Kempelen est un mannequin à taille humaine mais avec seulement un torse et une tête, des yeux gris et une barbe noire. Il porte un habit ample, un turban « à la turque » et, du bras gauche, tient une longue pipe, La machine est installée derrière un meuble d’environ 110 cm de long, 60 cm de large et 75 cm de haut. Sur ce meuble est placé un échiquier de 50 cm de côté (la photo ci-dessus en est une reconstitution moderne par ailleurs imparfaite). Sur la table est également posée une petite boîte de bois : durant les parties, Kempelen en observera souvent l'intérieur, induisant que c’est à cet endroit que se trouve le contrôle de la machine.

Kempelen présente pour la première fois son Turc mécanique au palais de Schönbrunn, à Vienne, en 1770. Le succès est immédiat et Kempelen renouvelle les séances. Il assure d’abord le spectacle en ouvrant les portes du meuble avant et arrière et montre au public les engrenages de son étonnante réalisation. Puis il annonce que le Turc est prêt à… affronter un adversaire !

Le Turc mécanique joue avec les Blancs (et joue donc le premier). Son premier adversaire est le comte Johann Ludwig von Cobenzl qui est finalement… battu par la machine ! Et c’est le cas également des autres personnes qui lui succèdent !

L’automate est magnifiquement bien réglé pour assurer le spectacle. Il ponctue ses coups de gestes amusants qui épatent l’auditoire, hochant la tête deux fois s'il menace la dame de son adversaire et trois fois s'il place le roi en échec ! Plus fort : si son adversaire joue un coup interdit (déplaçant par exemple la dame comme un cavalier), le Turc… secoue la tête et… remet la pièce en place ! Il « parle » même au public en utilisant une planche ornée de lettres et s’exprime en anglais, en français et en allemand !

C’est la stupéfaction et l’engouement du public pour ce que nous nommerions aujourd’hui un robot doté d’une intelligence artificielle… Sa renommée se répand à travers l'Europe entière. Pour éviter les mouvements de curieux et assurer la sécurité de la machine, Kempelen rend alors les expositions et les matchs plus rares, arguant que l’automate est en réparation. Après un match contre l'Écossais Sir Robert Murray Keith, il démonte effectivement entièrement l'automate.

En 1781, onze ans après les débuts de l’automate, l'empereur du Saint-Empire Joseph II ordonne à Kempelen de reconstruire son Turc mécanique et de le présenter à Vienne pour la visite du grand-duc Paul de Russie. A la suite de cette représentation, où l’automate bat le grand-duc et qui rencontre un grand succès, Kempelen accepte à contrecœur une tournée en Europe.

Celle-ci commence en avril 1783 par Versailles et Paris. Installé au Café de la Régence (angle de l’actuelle place du palais-Royal et de la rue Saint-Honoré), l'automate joue contre plusieurs des meilleurs joueurs d'échecs, pas toujours avec succès puisqu’il perd quelques fois (contre les joueurs Bernard et Verdoni et, surtout, contre François-André Danican Philidor, considéré comme le meilleur joueur d'échecs de l'époque). La tournée se poursuit par Londres.

Mais, déjà, un certain Philip Thicknesse, artiste excentrique, manifeste son scepticisme et flaire, sans pouvoir l’expliquer réellement, le canular… Pour lui, le « mécanisme d'horlogerie compliqué (…) n'est rien d'autre qu'un moyen, parmi d'autres appareils ingénieux, de tromper les observateurs ». Bref, il s’agirait là d’un tour de prestidigitation ? Mais lequel ?

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Allons maintenant droit à la fin de l’histoire.

Kempelen meurt le 26 mars 1804, à l'âge de 70 ans et le Turc mécanique est vendu à Johann Mælzel, un musicien bavarois passionné de mécanique. Il en comprend le secret et le restaure.

Oui, il y a bien un « truc » : un astucieux mécanisme de double-fond cache en réalité un vrai joueur d’échec qui, à l’aide d’indications mécanique habiles, est informé du déplacement des pièces sur l’échiquier en surface.

C’est donc bien une intelligence humaine et non mécanique qui joue les parties… Cela n’enlève rien, toutefois, aux qualités mécaniques de l’automate qui saisit et déplace les pièces et à celles du joueur d’échecs dont le niveau doit être suffisant, en plus d’être capable de jouer dans la semi-obscurité et dans une position inconfortable !

Ce truc, Johann Mælzel va continuer à l’exploiter…

En 1809, peu après sa victoire à Wagram (15 km au nord de Vienne, en Autriche, le 6 juillet : 30 000 morts français et 35 000 morts autrichiens), Napoléon se rend au château de Schönbrunn (Vienne). Il va y jouer contre le Turc mécanique, avec une incroyable insolence.

Alors qu’il a les noirs, Napoléon joue pourtant en premier : sans doute projette-t-il sur l’échiquier son habitude tactique de prendre l’adversaire par surprise en s’affranchissant des règles conventionnelles de la guerre !?... Ce coup n’est pas régulier. Johann Mælzel, qui officie pour arbitrer la partie, laisse cependant jouer. C’est mal vu car ce laxisme enhardit l’empereur qui se met, par trois fois, à tenter de déplacer des pièces de façon irrégulière, et provoque l’irritation du Turc, qui corrige les coups de Napoléon…

Le Turc, de son côté, est contrôlé par Johann Baptist Allgaier, théoricien connu pour avoir publié le premier traité d'échecs en langue allemande (1795). Au quatrième coup irrégulier de Napoléon, l’« automate », furieux, s’énerve et renverse les pièces sur l’échiquier ! Une nouvelle partie se joue alors, sans irrégularité, qui consacre la défaite, piteuse, de l’Empereur…

Par la suite, les « sorties » du Turc se font plus rares : Mælzel doit à chaque fois trouver des joueurs de bon niveau et leur expliquer le truc de son tour de prestidigitation… En 1828, le « secret du Turc » se répandant sur le Vieux Continent, Mælzel part pour New York.

Outre-Atlantique, c’est l'Alsacien William Schlumberger (il est natif de Mulhouse) qui est alors le joueur-opérateur caché de l’automate, un joueur réputé pour être rapide quoique pas forcément à l’aise dans les fins de partie… C’est durant cette période (1836) qu’Edgar Allan Poe publie une nouvelle intitulée Le joueur d’échecs de Maelzel, où il exprime ses doutes, avec un certain tact : « Plusieurs tentatives ont été faites pour résoudre le mystère de l’Automate. L’opinion la plus générale, opinion trop souvent adoptée par des gens de qui l’intelligence promettait mieux, a été que l’action humaine n’y entrait pour rien, que la machine était une pure machine, et rien de plus… »

Schlumberger restera l’opérateur du Turc pendant dix ans et jusqu’à sa mort, en 1838, de la fièvre jaune lors d’une tournée à Cuba. Sur le bateau du retour vers l’Europe, Mælzel meurt à son tour. Après diverses tribulations, le Turc mécanique finit par aboutir au Peale Museum de Philadelphie où il sera détruit en 1854 dans un incendie.

 

L’AMERICAIN MORPHY, JOUEUR « MODERNE » ET « ROMANTIQUE »

La seconde moitié du XIXème siècle consacre l’entrée du Nouveau Monde dans une arène échiquéenne où il est bien décidé à défier la supériorité européenne.

En 1851, à l’occasion de la Grande Exposition de Londres (ancêtre de nos modernes « expositions universelles ») l’association des joueurs d’échecs de Londres décide d’organiser un tournoi de classe mondiale : c’est le premier du genre. L’affaire est organisée par Howard Staunton, joueur réputé pour être lui-même le meilleur du monde à l’époque. Le tournoi sera un succès même si, pour Staunton intuitu personae, ce sera une déception puisque lui-même ne terminera que 3ème… Qu’importe, les qualités de joueur de celui-ci ainsi que ses aptitudes en terme de marketing contribuent de façon décisive à la promotion et au succès des échecs.

C’est d’ailleurs de ce moment que date la forme définitive des pièces : celles que nous connaissons aujourd’hui, au design conçu par Nathaniel Cook, et qui sont appelées… « de forme Staunton ».

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

C’est aussi de cette époque que date l’enregistrement des coups et des parties. Horizontalement, l’échiquier est divisé en colonnes de « a » à « h » et, verticalement, en lignes de « 1 » à « 8 » avec les Blancs en bas. Imaginons que le pion blanc le plus à gauche se déplace d’une case, on notera « a3 ». Si le cavalier noir de gauche fait mouvement, on notera « C (pour cavalier) a6 » ou « Cc6 » (suivant la direction que prend le cavalier).

Ça parait compliqué mais on s’y fait.

Grâce à ce système internationalement compréhensible va naitre la dimension échiquéenne internationale de joueurs qui vont alors frapper les esprits et révolutionner la discipline.

Paul Morphy en est l’illustration, lequel sera surnommé plus tard « l’étoile filante » (the shining star en anglais, puisqu’il s’agit d’un Américain, né à la Nouvelle-Orléans).

A l’âge de douze ans, Morphy était déjà capable de battre tous ses proches et de jouer « à l’aveugle » (en mémorisant toutes le déplacement des pièces sur l’échiquier sans avoir besoin de regarder celui-ci). Il avait même affronté par trois fois le maître hongrois Johann Löwenthal, qu’il avait battu… par trois fois ! Ayant fait des études de droit et doté d’une mémoire exceptionnelle, Morphy prétendait même connaitre par cœur le code civil de Louisiane…

A vingt ans, Morphy participe au premier Congrès américain d'échecs (1857), qui se tient à New York à l’automne : il y bat tous ses adversaires et devient le premier champion d’Amérique ! Il décide alors de se mesurer aux joueurs européens, lesquels tiennent à l’époque le haut du pavé échiquéen. En 1858, il se rend Angleterre où il tente d’affronter Staunton qui, à chaque fois, se dérobe à un match… Quoiqu’il en soit, durant son séjour en Angleterre, Morphy gagne toutes ses parties, sans exception.

Ayant balayé tous ses adversaires, il traverse la Manche et se rend à Paris, au Café de la Régence, un haut-lieu des échecs français que nous avons déjà évoqué. Il y bat (certes après quelques difficultés) Daniel Harrwitz, le meilleur joueur français de l’époque. Malgré la grippe et une forte fièvre, il se mesure ensuite à Adolf Anderssen, le meilleur joueur européen et venu exprès d’Allemagne.

Les deux joueurs sont représentatifs du style de jeu qu’on appellera « l’école romantique » : une conception résolument tournée vers l’offensive, quoiqu’il en coûte au plan du « matériel ». Anderssen est aux échecs ce que le général Leclerc sera à l’arme blindée (« Quels sont les ordres, mon général ? » « Foncez ! ») Morphy, lui, est davantage « combinatoire » : il évalue de façon intuitive la meilleure ligne. Il hésite peu, joue rapidement, défend bien et ne laisse pas passer d’occasion de prendre un avantage décisif. Il gagne généralement une partie en 20 coups !

Précisément, c’est durant le séjour de Morphy à Paris, en octobre 1858, que Morphy,joue la célèbre partie dite « de l'opéra » et qui se déroule à l’Opéra de Paris (c’est-à-dire, à l’époque, à la salle Le Pelletier puisque le Palais Garnier n’existe pas encore). Un soir de représentation de La Norma de Bellini, il s’y mesure au duc Charles II de Brunswick, un fervent joueur d'échecs qui a toujours un échiquier dans sa loge. Morphy joue avec les Blancs. La partie est acharnée et les deux adversaires, passionnés, se mettent à converser à voix haute, indisposant les comédiens qui sont obligés de s’interrompre tandis que le public est outré de ce sans-gêne !

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Les Noirs de Brunswick progressent sans cesse et, malgré sa « défense Philidor », Morphy concède de nombreuses pièces. Il y a finalement une situation dite d’« avantage matériel » pour Brunswick car Morphy a perdu sa reine, ses deux cavaliers, une tour, un fou…Cela parait compromis pour l’Américain ?

En réalité, Morphy a opéré des sacrifices habiles tandis que son adversaire s’empêtrait lui-même dans un jeu excessivement positionnel et dépourvu d’espace. Ultimement, Morphy avance sa tour en d8 et… met son adversaire mat !

Morphy démontre là l’étendue de ses talents et un style qui laisse ses adversaires sur place : il est exceptionnellement habile en combinaison, il excelle dans des sacrifices inattendus en échange d’attaques irrésistibles qui dévastent le camp opposé en quelques coups. Morphy sait s’engouffrer dans les brèches de façon foudroyante : c’est un opportuniste qui guette l’occasion favorable comme nul autre pareil.

En 1859, la renommée de Murphy est à son zénith et, lors de son retour aux États-Unis, il a seulement 22 ans et il est porté en triomphe par la foule en délire !

C’est pourtant à cette date qu’il décide de se… retirer de la compétition ! Il ne considère pas les échecs comme une occupation sérieuse et il préfère se concentrer sur sa carrière de juriste : un choix périlleux car, lors de la guerre civile américaine qui débute deux ans plus tard (1861), il s’oppose à la sécession des états du Sud et refuse de servir dans l’armée confédérée.

Après diverses tribulations, il finira sa vie dans l’oisiveté (grâce à un héritage) pendant 20 ans, déambulant sans but dans le carré français de la Nouvelle-Orléans et perdant peu à peu la raison. Il mourra finalement, jeune encore (47 ans), dans sa baignoire, d’une attaque cérébrale. Il aura fondé le type du joueur d’échec dit « moderne » et ouvert la voie à une internationalisation réelle des échecs.

 

BELLE EPOQUE : L’AFFRONTEMENT DEVIENT MONDIAL

En 1886, l’austro – (il est né à Prague, empire d’Autriche-Hongrie) – anglo – (il a été naturalisé) – américain (il a changé une troisième fois de nationalité !) Wilhelm Steinitz devient officiellement le premier champion du monde d’échecs. Il bat le polonais Johannes Zukertort en étant le premier à atteindre 10 parties gagnantes au terme d’une compétition qui se déroule sur deux mois et demi.

Steinitz est le premier à théoriser et à étudier scientifiquement les échecs. Il renoue avec un jeu « positionnel » qui balaie les tenants de l’offensive débridée (les « hyperromantiques »). Pour lui, « la capture du roi adverse est le but mais non le premier objet des échecs ». Le jeu se déroulant en milieu fermé, il y existe logiquement à chaque fois une position qui est la plus efficace et qui va être victorieuse. Et Steinitz entend la trouver, avec une rigueur et une logique implacable.

Ce champion finira, lui aussi, atteint de troubles mentaux et mourra finalement dans la pauvreté en 1900.

De 1894 à 1921, le monde des échecs ensuite dominé par Emanuel Lasker, un Prussien juif par ailleurs passionné de philosophie et de mathématiques et grand ami d’Albert Einstein. Lasker demeure, toujours à ce jour, celui qui a conservé son titre mondial le plus longtemps. Il va pourtant être détrôné en 1921 par un autre joueur « positionnel » : un autre joueur de légende, toujours considéré de nos jours comme l’un des meilleurs joueurs d’échecs de tous les temps (voire LE meilleur, selon le champion de France 2018 Tigran Gharamian) : le Cubain José Raul Capablanca (1888 – 1942).

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Véritable enfant prodige des échecs (qu’il découvre à l’âge de 4 ans) Capablanca n’a que 13 ans lorsqu’il défait le champion de Cuba Juan Corzo y Principe (4 victoires contre 3 défaites). Joueur dilettante n’étudiant pourtant pas véritablement les échecs, le jeune homme poursuit ensuite des études de chimie et pratique le base-ball avant d’embrasser une carrière diplomatique. C’est elle qui lui offre, cette fois, du temps libre pour se mettre à jouer sérieusement aux échecs.

Capablanca est un joueur « positionnel » par excellence (quoiqu’il n’ait jamais « étudié sérieusement » les échecs) et il est particulièrement redoutable en fin de partie. D’une manière générale, il commet très peu d’erreur et est d’avis que, sans erreur véritable, une partie ne peut raisonnablement être perdue.

Il établit, entre 1921 et 1927, un record qui lui laisse le surnom d’« invincible » : il dispute 200 matches (un match comprend lui-même plusieurs parties) et n’en perd que 4. Mais tout a une fin (« sauf la banane [cubaine, évidemment ! ndlr], qui en a deux » ainsi que le fera observer plus tard l’humoriste Pierre Dac) : en 1927, à Buenos Aires, Capablanca perd son titre de champion du monde contre le russe Alexandre Alekhine, dont le style allie la maîtrise positionnelle à la créativité offensive.

Au passage, signalons que 1927 est l’année de l’organisation du premier championnat mondial d’échecs pour joueuses… A cette date, les échecs ne sont donc plus seulement un sport d’hommes

 

L’ENTRE-DEUX-GUERRES ET LES ANNEES ALEKHINE : POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE

Revenons à Alekhine, personnage pour le moins pittoresque.

Fils d’aristocrate russe, né à Moscou, Alekhine a une légende qui lui est attachée. Elle veut que, recherché et repéré à Odessa par la Tchéka (la police politique du nouveau régime communiste) en pleine partie, Alekhine ait demandé (et obtenu) des agents venus l’arrêter la permission de terminer sa partie avant d’être emmené en prison !

Echappant de peu à l’exécution durant la Révolution russe, il est finalement envoyé en 1921 en Allemagne comme espion pour le compte des Soviets. Il parvient à s’en échapper pour rejoindre la France, non sans mal car les services secrets de celle-ci s’en méfient (à tort).

Au plan échiquéen, Alekhine se fait remarquer dans les tournois internationaux par la qualité de son jeu mais aussi par son mauvais caractère. En 1922, par exemple, au tournoi de Vienne, mécontent, il abandonne lors d’une partie face à Grünfeld en… lançant son Roi à travers la pièce !

 Battant l’extraordinaire Capablanca en 1927, il devient champion du monde et, à partir de ce moment, domine sans partage le monde des échecs jusqu’en 1935. Hélas, il mène une existence de plus en plus marquée par le tabagisme, l’alcoolisme et la débauche : ces excès contribuent probablement à lui faire perdre son titre face à Max Euwe.en 1935. Après un entrainement acharné marqué par un changement de mode de vie (il faut ce qu’il faut !), il récupère cependant son titre en 1937.

La Seconde guerre mondiale est trouble et chaotique pour Alekhine qui s’engage d’abord dans l’armée française, puis tente de fuir en Amérique du sud, puis rédige des articles sur les échecs pour le compte des… autorités allemandes à forte connotation antisémite tout en continuant à participer à des tournois au niveau européen.

Il meurt en mars 1946, alors qu’il est encore détenteur du titre de champion du monde (c’est l’unique joueur à avoir été dans ce cas, à ce jour). Après un enterrement au Portugal, sa dépouille est ensuite transférée à Paris, au cimetière du Montparnasse, dans une tombe assez spectaculaire.

Tombe d'Alekhine, à Paris.

Tombe d'Alekhine, à Paris.

RIDEAU DE FER, GUERRE FROIDE ET DOMINATION SOVIETIQUE

Alekhine meurt l’année où Winston Churchill affirme qu’« un rideau de fer est tombé sur l’Europe » : c’est le début de la « Guerre froide ».

C’est une période de tensions internationales qui se traduit par des affrontements entre l’Est et l’Ouest sur des théâtres d’opérations dits « périphériques » : Afrique, Asie... Mais c’est également… sur l’échiquier que l’Occident et l’Empire soviétique vont s’affronter, impitoyablement, à coups de parties mémorables et de joueurs aux personnalités dignes du show-business…Du jeu de guerre que sont les Echecs, on va passer à la guerre du jeu et cette période va consacrer la domination écrasante de l’Union Soviétique, désireuse de montrer là la supériorité intellectuelle incontestable de la patrie des travailleurs sur l’impérialisme bourgeois décadent. Un vent de Sibérie va souffler sur les échiquiers…

Les championnats du monde reprennent à partir de 1948.

Durant les 15 premières années, c’est Mikhaïl Botvinnik (un Russe surnommé doctement le « père de l’école soviétique ») qui domine sans conteste : il devient champion du monde en 1948 et le reste jusqu’en 1957, puis le redevient de 1958 à 1960 puis, encore, de 1961 à 1963 !

C’est à peine s’il laisse ses challengers Vassily Smyslov (un autre Russe, par ailleurs baryton d’opéra) et Mikhaïl Tal (un Letton soviétique surnommé « le magicien de Riga », gros fumeur et gros buveur, au jeu offensif marqué par les nombreuses pièces qu’il n’hésite pas à sacrifier) s’insérer péniblement (respectivement de 1957 à 1958 pour Smyslov et de 1960 à 1961 pour Tal…). Il faut noter là la persévérance de Botvinnick (qui perd puis reprend le titre mondial à deux reprises) mais aussi son esprit pionnier : il est parmi les premiers à entreprendre des recherches sur l’informatisation des échecs.

Pendant ce temps, un autre champion est en pleine ascension : un dénommé Boris Spassky qui devient, en 1955, le plus jeune « Grand Maitre international » : il a seulement 18 ans. En 1960, lors du 27ème championnat d'URSS, il contraint son adversaire David Bronstein à l’abandon dans une partie qui va rester mémorable à un double titre :

  • son audace offensive fait qu’elle est encore aujourd’hui enseignée dans les clubs
  • elle sera authentiquement reproduite (à l’exception d’une pièce) dans un film américain de 1963 où le champion soviétique (nommé Kronsteen) affronte le champion américain (MacAdams) : il s’agit de Bons baisers de Russie, deuxième opus de la série où Sean Connery endosse le rôle de James Bond,
Film "Bons baisers de Russie"

Film "Bons baisers de Russie"

Pourtant, à cette date, les Américains prennent (comme souvent) leurs fantasmes pour des réalités : ils n’ont pas de champion d’envergure mondiale à opposer aux représentants du communisme triomphant qui tiennent fermement le haut du pavé échiquéen.

En juin 1963, Botvinnik se fait détrôné par un autre Soviétique : Tigran Petrossian, Géorgien d’origine arménienne dont le style défensif, sans initiative et d’une prudence à la limite de la passivité est jugé peu flamboyant. Mais Petrossian est un tigre à l’affût (cela devient d’ailleurs son surnom) : dès que son adversaire commet une imprécision, il s’engouffre dans la brèche ennemie de façon foudroyante. « Le Tigre », pourtant, finit par se faire dompter en 1969 par celui dont la maturité échiquéenne atteint maintenant son plus haut niveau. : le prodigieux Boris Spassky.

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

L’homme est jeune encore (32 ans) et, du point de vue de la propagande communiste, il a tout du héros soviétique idéal :

  • il est 100 % russe et il est même né à Leningrad,  la ville qui porte le nom du génial fondateur de l’idéologie qui va libérer les prolétaires de tous les pays du joug bourgeois et capitaliste : un symbole !
  • Il est fils d’un ingénieur et d’une paysanne : il incarne le succès de la formation intellectuelle et technique tout en conservant le solide bon sens et le pragmatisme de ceux qui savent que la terre ne ment pas…
  • C’est un joueur classique et universel, bon en attaque et solide en défense. Il ne fait pas la star et n’a pas de surnom, au contraire des vedettes occidentales décadentes.

Spassky, c’est du sobre, du costaud, du sérieux : le genre de type calme et aimable, concentré, professionnel, quoi. L’Union Soviétique sait pouvoir compter sur lui pour montrer à l’Occident que le génie soviétique n’a peut-être pas permis de marcher sur la Lune en 1969 mais que, en tout cas, pour se déplacer sur un échiquier, le champion de l’Est est capable de défaire n’importe qui. La preuve : cette année-là (1969) Spassky devient champion du monde.

En 1972, il remet son titre en jeu pour la deuxième fois. Depuis 24 ans, les Soviétiques sont au sommet. Vont-ils le rester ?

 

JUILLET 1972 : DUEL AU SOMMET

1972 est l’année d’une confrontation qui prend des allures de duel emblématique. Boris Spassky domine le monde des échecs mais il voit s’avancer un adversaire d’un genre inédit : Robert « Bobby » Fischer, un Américain inclassable, fantasque, imprévisible, haut en couleurs et, pour tout dire, quasiment génial.

L’Américain (il a 29 ans en 1972, soit 6 ans de moins que Spassky) n’est pas un inconnu des Soviétiques. Lorsqu’il n’avait que 14 ans, il a été repéré et invité pendant trois semaines à Moscou où il a affronté quelques champions nationaux. Les Soviétiques ne s’étaient pas trompés sur cet adolescent qui possédait, dans sa bibliothèque, près de 80 livres sur les échecs dont la moitié en russe : l’année suivante, à quinze ans seulement (1958), Fischer est devenu… champion des Etats-Unis. Puis il a récidivé l’année suivante. Et puis, encore, l’année d’après !

Il a ensuite connu une carrière en dents de scie marquée par des victoires dans des tournois d’Amérique du sud et par des éclipses temporaires des compétitions. Il a déjà affronté Boris Spassky et a été battu trois fois en 10 ans par le Soviétique, ne parvenant qu’à lui arracher, une seule fois, le nul.

Depuis deux ans, cependant, Fischer a connu une accélération fulgurante de ses performances et il est maintenant bien placé pour contester sérieusement la domination soviétique.

Léonid Brejnev (à g.) et Richard Nixon (à dr.)

Léonid Brejnev (à g.) et Richard Nixon (à dr.)

Sur le plan diplomatique et militaire, l’heure est plutôt à la « Détente » entre les deux « Grands » : le président américain Richard Nixon s’est ainsi rendu (c’est une première) en URSS en mai 1972 et le traité Salt 1 (limitation des armes stratégiques – les missiles intercontinentaux -) a été signé à cette occasion. Mais en matière échiquéenne, la « Guerre froide » atteint au contraire son paroxysme.

Les Américains veulent à tout prix détrôner les Soviétiques et battre la « machine à gagner » qu’est Spassky. Face à lui, ils alignent donc Bobby Fischer qui s’est qualifié pour la finale (on appelle cela le « match des candidats ») au titre d’un parcours exceptionnel : 18 victoires en 21 matchs ! Fischer est le plus jeune Grand Maitre International, il a 180 de Quotient Intellectuel, il est octuple champion des Etats-Unis. Mais il a aussi une personnalité excentrique et capricieuse, misanthrope et solitaire et c’est un individu méfiant, paranoïaque (« Je ne regarde pas la télévision, elle émet des radiations. ») et peu sociable. Il injurie facilement les journalistes, il se moque des convenances et il fait scandale par son outrecuidance – ou sa lucidité supérieure à la moyenne ? -  (il déclarera par la suite : « Je ne suis pas un génie des échecs, je suis un génie qui a choisi de jouer aux échecs » !).

Les règles du match sont établies : 24 parties, 1 point par match gagné, un demi-point pour chaque joueur en cas d’égalité. Le premier à atteindre 12 points est déclaré gagnant.

Pour ce qui est des modalités pratiques, Américains et Soviétiques négocient : combien pour les gains financiers ? et les droits télévisuels ? où se situera le lieu de la rencontre ? quelle sera la disposition de la salle ? quel public assistera, qui et combien ? quel sera le nombre des caméras et leur disposition ? Comment seront les fauteuils des joueurs, forme et jauteur ? Les négociations durent plusieurs mois. La date du match, elle, est fixée pour l'été 1972, à Reykjavik, en Islande (Belgrade et Buenos Aires, d’abord pressenties, étant finalement écartées).

La vraie difficulté, en réalité, c’est… Fischer.

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

FISCHER, LE GRAND MAITRE DE…L’IMPREVISIBLE

Fischer fait sa diva et renâcle devant une confrontation à Reykjavik, pays inconnu des Américains, et cela pour un gain financier insuffisant. Il veut être bien payé, non pas par lucre mais parce que l’argent incarne l’intérêt que l’on porte à sa personne. Fischer veut qu’on lui montre qu’il est est le meilleur car, pour lui, il EST le meilleur. On parvient péniblement à un accord.

Le 21 juin 1972, le Soviétique Spassky arrive à Reykjavik. Le 27 juin, l’Américain Fischer se rend à l’aéroport de New York pour décoller vers l’Islande mais, au dernier moment, il change d’avis et s’enfuit pour retourner chez lui !

Henry Kissinger, conseiller du président Richard Nixon à la sécurité nationale, appelle alors directement Fischer au téléphone dans des conditions qui restent floues (certains prétendant que Fischer lui aurait répondu qu'il avait une partie à finir, voire n'aurait pas pris l'appel…) Kissinger, lui, racontera l’épisode en ces termes : « Je l'ai appelé et, en gros, je lui ai dit de bouger son cul jusqu'en Islande ». Mais Fischer ne bouge pas encore.

Le 1er juillet 1972, un millionnaire britannique, impliqué dans l'organisation de l’événement, pose sur la table une rallonge de 130 000 dollars rien que pour Fischer : le jour même, l’Américain annonce son départ imminent…En fait, il ne part que… deux jours plus tard et atterrit finalement en Islande le 4 juillet !

Arrivé dans son hôtel de Reykjavik, Fischer enchaine les caprices : il veut avoir la piscine pour lui tout seul, il fait fabriquer jusqu'à dix échiquiers à des artisans locaux pour son entraînement (finalement, il n’en retient… aucun !), il exige une Mercedes, neuve et à boîte automatique, pour se rendre au Palais des sports. Hyper-sensible au bruit, il demande qu'on fasse taire les oiseaux dehors !

Le duel fait l’objet d’une couverture médiatique sans précédent et totalement inattendue pour un jeu à la réputation aussi élitiste et dont le spectaculaire n’est pas facilement accessible au profane. A Times Square (centre de Manhattan), on va diffuser la rencontre en direct et en intégralité sur un écran géant ! Le public s’attroupe devant les devantures de magasins de télévision. Des paris sont ouvert pour essayer le deviner le prochain coup qui sera joué. C’est du jamais vu : la chaîne publique PBS va diffuser en direct et en intégralité chaque match de la confrontation et Shelby Lyman, un joueur d'échecs, va décrypter (gratuitement !) chaque mouvement tout en répondant aux questions des téléspectateurs. Cela restera, jusqu’à aujourd'hui même, la plus forte audience de l'histoire de la télévision américaine publique.

C’est le 11 juillet 1972 que doit débuter le match.

Mais va-t-il réellement débuter ?

Boris Spassky s'est installé à sa place et, ayant hérité des blancs, il a poussé son premier pion. Mais en face de lui, la chaise reste vide. Bobby Fischer n'est pas là ! Où est-il ? Personne ne le sait. Il a une heure pour arriver et cette heure irrite à l’évidence Spassky, qui est visiblement nerveux. Soudain, l’Américain arrive, s’assoit et joue : cavalier en F6. C’est parti, enfin.

D’entrée, cela se passe mal pour le challenger qui utilise une « défense nimzo-indienne » (on appelle « défense » ce qui est en fait une « ouverture », donc un début de partie : faut l’savoir…) mais qui commet des fautes. Laborieusement, Fischer finit par abandonner, au 56ème coup.

Spassky : 1 ; Fischer : 0

Mécontent, Fischer formule alors de nouvelles exigences : ni public ni caméra ! C’est refusé. Ah ? Alors Fischer refuse à son tour de… jouer : il ne se présente pas au deuxième match ! Il perd par forfait.

Spassky : 2 ; Fischer : 0

Pour le troisième match : nouveau coup de théâtre. Fischer formule une nouvelle demande, et cela directement à Spassky : il veut jouer à huis clos, sans public, avec une seule caméra ! La délégation soviétique conseille de refuser. Spassky hésite. Il « veut jouer » expliquera-t-il plus tard et, contre l’avis de son équipe, il accepte.

Spassky (à g.) affronte Fischer (à dr.) en 1972

Spassky (à g.) affronte Fischer (à dr.) en 1972

LE TOURNANT

Spassky et Fischer disputent donc la troisième partie dans une salle annexe, ordinairement dédiée au tennis de table, avec l’arbitre Lothar Schmidt comme seul compagnon. L’Américain se montre irritable et suspicieux. Il inspecte d’abord longuement la caméra… Alors que l’arbitre, impatient, le presse maintenant de commencer, il lui lance : « Ferme à ta gueule ! », ce qui indigne le Soviétique, peu habitué à de ces grossièretés.

La partie commence finalement. Fischer choisit pour « ouverture » une « défense Benoni ». C’est une stratégie risquée car elle « ouvre » le jeu et ne débouche que très rarement sur des parties nulles. Spassky est alors pris au dépourvu : c’est un joueur de type « passif » et il n'a pas « travaillé » cette tactique, pensant que Fischer ne l'emploierait pas. L'audace du maître américain a encore payé. Déstabilisé, Spassky perd le match. Il s'incline. C’est la première fois face à Fischer… Il analysera, bien plus tard (en 2017) en concluant : « Ce fut le tournant. Fischer a pris confiance : il a su qu'il avait de bonnes chances de gagner. »

Spassky se plaint alors de malaises et incrimine de possibles radiations. « Je n'étais pas dans mon état normal, assure-t-il. Je ne suis pas suspicieux, mais là, je le suis devenu ». Les Soviétiques font inspecter son fauteuil, puis le plafond, puis le sol. Rien. Seulement deux mouches mortes.

Spassky patine. Il concède le nul dans la 4ème partie et commet une erreur dans la 5ème, qu’il perd.

Les deux joueurs sont alors à égalité (2 victoires chacun et une partie nulle). La 6ème partie demeure la plus célèbre et la plus étudiée des parties de championnat du monde. Fischer (avec les blancs) ouvre avec son pion en C4, c’est très inhabituel car il joue toujours e4. Au lieu d’attaquer, il développe un jeu de position très élaboré avant de porter l’estocade finale : dans la grande salle, le public qui est devant l'écran géant, se lève et applaudit et Spassky… fait de même !

Fischer prend donc l'avantage au score. Il ne le lâchera plus, alternant 2 victoires et 2 nuls, avant que Spassky ne reprenne de nouveau l’avantage. A la 9ème partie, le Soviétique tombe malade et le match est interrompu…

Il finit par reprendre, néanmoins. A l’issue de 12 parties (la moitié de la confrontation), le tenant soviétique du titre aligne 4.5 points face à son challenger américain qui en a 7… La 13ème partie est encore remportée par Fischer qui résiste et garde son avantage : les 7 parties suivantes se terminent sur un score nul.

La 21ème partie consacre la victoire de l’américain : Spassky, en difficulté, téléphone à Fischer pour lui annoncer qu'il abandonne. Fischer est donc irrattrapable : il a gagné par 12,5 points à 8,5 ! Le « match du siècle » s’achève par la défaite de l’Union Soviétique et la victoire des Etats-Unis !

Pour les joueurs, en revanche, la suite est moins glorieuse.

Vaincu, Spassky tombe en disgrâce et la Fédération soviétique des échecs le sanctionne en l’interdisant de matchs internationaux. Par ailleurs, il divorce. Il prouvera toutefois par la suite qu’il n’était pas seulement un grand champion mais qu’il était également un homme de goût : il épousera une Française et obtiendra la nationalité de la patrie des Droits de l’Homme en 1978.

Fischer, de son côté, refuse toutes les offres commerciales qui lui sont faites alors qu’elles sont généralement très généreuses financièrement. Il poursuit une existence chaotique marquée par des déclarations décousues, de rares matchs, un titre de champion du monde qu’il conserve en 1973 et 1974 avant de… déclarer forfait en 1975, des troubles comportementaux à l’évidence sérieux et des démêlés avec la justice des Etats-Unis qui le conduiront à obtenir la nationalité islandaise. Il mourra en 2004.

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

GUERRE FROIDE, DISSIDENCE ET CAP A L’OUEST

Les Soviétiques, de leur côté, ne désarment pas. L’américain Fischer a certes réussi le « coup » ponctuel de battre Spassky mais la patrie de la géniale révolution des prolétaires a de la ressource, contrairement aux pays capitalistes décadents. Elle le prouve avec plusieurs étoiles qui vont se disputer âprement le firmament échiquéen à partir du milieu des années 70 (le fantasque Bobby Fischer perd son titre par forfait en 1975). L’URSS avait aligné des champions du monde 1948 à 1972 sans interruption ? Elle va récidiver de 1975 à 2000 !

L’un de ses éléments les plus sûrs est un dénommé Viktor Kortchnoï, pourtant relativement « âgé » à l’époque (il est né en 1931 et a donc dépassé la quarantaine) mais il affiche une collection de titres et de médailles dignes d’un maréchal soviétique : Grand Maitre International dès 1956 (à 25 ans : il est le 17ème Soviétique à obtenir cette consécration), il a accumulé de nombreuses victoires sur des tournois internationaux prestigieux (Wijk an See, Hastings, Sarajevo, Palma…), il a été 4 fois champion d’URSS, 5 fois champion d’Europe par équipe et a concouru avec brio dans plusieurs « matchs des candidats » (= le processus de sélection de celui qui pourra affronter le champion du monde en titre).

Joueur complet, tenace, Kortchnoï a cependant vu son entraineur le quitter dès 1969 pour aller chaperonner une étoile montante : un dénommé Anatoli Karpov.

En 1974, les deux champions s’affrontent au titre de la finale du « Match des candidats ». Kortchnoï a 43 ans et Karpov (qui vient d’éliminer… Spassky en demi-finale) a 20 ans de moins que lui. C’est ce dernier qui l’emporte, de justesse : il remporte 3 parties, en perd 2 et fait 11 fois nuls… Mais le torchon brûle entre les deux champions. Kortchnoï n’a bénéficié que d’un faible soutien logistique alors que Karpov a toute une équipe d’entraineurs et de mentors autour de lui. Il a gagné à la régulière mais il a été aussi, clairement, le candidat favori du Kremlin. Kortchnoï dira, par la suite : « Durant ce match, on a délibérément favorisé Karpov, Russe de l’Oural, blond, fils d’ouvriers et membre du parti, à mon détriment, moi qui suis brun, juif, diplômé d’histoire et d’origine bourgeoise. On m’a donné des entraîneurs médiocres, mes plans ont été divulgués par des fuites… »

Kortchnoï est furieux. Il ne cache pas ses critiques. Alors, les brimades du pouvoir s’accumulent : interdiction de publier des articles et des commentaires, baisse de salaire…

Kortchnoï envisage alors une solution radicale pour se tirer de la nasse où les bureaucrates bornés du pouvoir soviétique brejnévien tentent de l’enfermer : il va passer à l’Ouest ! Dans une interview donnée en 2007 à Europe-Echecs, il s’expliquera ainsi : « A l'époque, je n'étais pas dissident. Je n'étais pas en guerre contre le régime. Je suis parti pour poursuivre ma carrière de joueur d'échecs. J'avais réellement peur, à l'époque. Personne ne savait quand les changements - ce qu'on a appelé la Perestroïka – [la restructuration de la vie économique et politique préconisée et mise en œuvre par Mikhail Gorbatchev dix ans plus tard, à partir de 1985, et reposant sur les leviers, inédits, de la communication et de la transparence (glasnost) - ndlr ] allaient survenir. Je craignais qu'on m'envoie en Sibérie. Ils m'auraient envoyé là-bas et je n'aurais plus jamais joué aux échecs. Donc je suis parti pour continuer ma carrière. »

En juillet 1976, Kortchnoï participe au tournoi d’Amsterdam et affronte, en finale, le Britannique Tony Miles. Après le match, Kortchnoï se fait expliquer par celui-ci comment prononcer, en anglais, la formule « Je demande l’asile politique » ! Et il se rend aux autorités néerlandaises avant de se cacher, de crainte d’être kidnappé par le KGB. Il devient alors l’un des « dissidents » soviétiques qui ont le plus spectaculairement fait défection. Restés en URSS, sa femme et son fils sont interdits de sortie du territoire et il ne les retrouvera qu’en 1982. Dans l’immédiat, les livres de Kortchnoï sont retirés des bibliothèques et son nom est supprimé des manuels d’échecs ainsi que ses parties les plus célèbres.

C’est le propre des sociétés totalitaires que de réécrire le passé, d’effacer les noms, de déboulonner les statues et de tenter de faire disparaitre des mémoires le passé au profit du politiquement correct du moment…

Les Soviétiques font aussi pression sur la FIDE, la Fédération International Des Echecs pour que Kortchnoï soit boycotté et interdit de compétitions internationales. Sans succès.

En 1978, le champion du monde, le Soviétique Anatoli Karpov remet son titre en jeu et affronte le vainqueur du « match des candidats (= le vainqueur des qualifications). Il s’agit de… Viktor Kortchnoï, le dissident !

 

1978 : LE MATCH DE TOUTES LES TENSIONS

Pour ce nouveau choc Est – Ouest à l’intense portée idéologique, les Soviétiques sont près à tous les coups. Plusieurs incidents, dignes d’un roman et à peine croyables aujourd’hui, émaillent le match qui se déroule à Baguio (Philippines) et qui va durer 3 mois, du 17 juillet au 18 octobre…

Kortchnoï accuse d’abord son adversaire de recevoir illégalement, durant les parties, des messages codés par l’intermédiaire des yaourts qu’il consomme en jouant. Il est vrai que la partie débute de façon tendue : 7 « nul » pour les 7 premières parties et la 8ème remportée par le Soviétique qui crée un incident désagréable en refusant de serrer la main de son adversaire, à l’indignation de celui-ci.

Mais ce qui pollue la suite du match, c’est l’obscure affaire de l’ « hypnotiseur » !  

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Les Soviétiques sont à l’époque très férus d’expériences parapsychologiques et mènent de nombreuses tests en la matière (des exercices de télépathie entre sous-marins, par exemple, pour échapper à l’espionnage américain !) à des fins militaires. A Baguio, ils font asseoir dans le public le Dr Zoukhar, directeur du Laboratoire central de psychologie de Moscou. A l’aide de la puissance de ses redoutables ondes cérébrales, le medium doit essayer d’hypnotiser et de déstabiliser le candidat dissident !

Kortchnoï, agacé et mal à l’aise, prend la menace très au sérieux. Il se défend en… chaussant des lunettes noires réfléchissant les ondes !

Pendant qu’on nage en plein irrationnel, force est cependant de constater que Karpov accumule progressivement les victoires, entrecoupées par plusieurs phases de « nul. » La partie se déséquilibre peu à peu en faveur du Soviétique.

Kortchnoï contre-attaque en faisant alors appel à… des gourous indiens ! Il s’agit de deux membres d’une secte hindoue nommée Ananda Marga (littéralement « La voie qui conduit vers la Béatitude »), en liberté conditionnelle ( ! ), et qui s’installent dans la salle de jeu, faiblement occupée, en dardant leurs regards vers le Dr Zoukhar ! Gourous contre hypnotiseur : le match n’est plus seulement sur l’estrade, il est dans la salle et Kortchnoï, durant la 17ème partie (qu’il perd encore) s’interrompt même longuement pour demander aux officiels de faire reculer le Dr Zoukhar qui le gêne car il s’est installé au 1er rang.

Les gourous sont finalement exclus de la salle et Zoukhar, lui-même, finit par quitter les lieux, ce qui conduit Kortchnoi à retirer ses spectaculaires lunettes noires et à… remonter au score.

A la fin de la 31ème partie, les deux joueurs sont à égalité : 5 victoires partout et 26 « nul » ! C’est désormais un combat au finish car, au terme des règles, le titre de champion du monde doit revenir à celui qui, le premier, obtiendra 6 victoires !

Tout se joue à la 32ème partie, remportée par… Karpov. L’honneur soviétique est sauf. De justesse.

 

L’HOMME FACE A LA MACHINE

Les années 70 et 80 voient l’informatique arriver auprès du grand public : les premiers ordinateurs personnels, les premiers cours d’informatique au lycée et, naturellement, les premiers programmes informatiques pour jouer aux échecs. La discipline, en effet, intéresse les scientifiques, et cela de longue date. Voyons cela.

Dès 1900, un nommé Torre Quevedo, technicien à l'école polytechnique espagnole Escuela Technica Superior de Ingenieros de Caminos construit une machine électromécanique afin de résoudre la lutte Roi + Tour contre Roi en le plus petit nombre de coups.

Alan Turing lui-même, le fameux mathématicien anglais (qui conçut une machine électromécanique permettant dès 1942 de décrypter les codes allemands issus de la machine Enigma) est un passionné d'échecs. En 1946, il évalue à « une centaine d’années » le délai nécessaire pour créer une machine automatique jouant aux échecs...

En réalité, dès 1957, aux Etats-Unis et grâce aux progrès de l’électronique, le Bell Laboratory organise la première partie disputée avec un programme d'échecs sur une machine automatique. Les débuts sont sommaires : le Los Alamos Chess Program tourne sur un ordinateur à lampes Maniac I de 1950 qui avait servi pour le projet Manhattan (la bombe nucléaire A). L’échiquier est réduit à 36 cases et dépourvu de fous et les pions, dans l'ouverture, ne peuvent avancer que d'une seule case… La machine joue un coup (analyse du demi-coup de l’adversaire puis choix de son propre demi-coup) en à peu près 12 minutes : soit 500 positions analysées par seconde. Face à la machine, on a sélectionné un volontaire totalement débutant qui, une semaine auparavant, ne connaissait rien aux échecs. C’est la machine qui l’emporte. Certes, on peut discuter des paramètres de l’expérience mais les faits sont là : la machine peut battre l’homme. L’intelligence artificielle fait ses débuts.

Les Soviétiques se doivent de réagir. Sous la direction de l'ex-champion du monde Mikhaïl Botvinnik, ils élaborent alors le programme Kaïssa (du nom de la déesse grecque antique supposément patronne des joueurs d’échecs). Les premiers matchs entre ordinateurs ont lieu dès la fin des années 60 et le programme Kaïssa domine les programmes Américains par trois victoires à une en 1966. C’est à cette date que la recherche américaine accélère nettement et va laisser progressivement les Soviétiques derrière : Chess, développé à partir de 1967 à la Northwestern University, s’avère désormais capable d’analyser 3000 positions par seconde.

Analyser, faire travailler sa mémoire pour retrouver les configurations de jeu précédentes qui ont débouché sur des coups gagnants, certes. Mais utiliser son intuition, choisir une tactique, privilégier l’audace ou la prudence… Un être humain n’est-il pas seul à pouvoir faire cela ? Les recherches entreprises ont alors pour but de rapprocher les programmes des caractéristiques de réflexion humaines afin de créer un programme « intelligent ».

David Lévy est un "informatico-sceptique" en matière d'échecs...

David Lévy est un "informatico-sceptique" en matière d'échecs...

Les Américains décident de confronter la machine à l’homme. Mais, cette fois, pas à un débutant : il faut un Maitre International. C’est l’Ecossais David Lévy, environ 500ème mondial, qui est sélectionné. Il a parié 1 250 livres sterling avec cinq chercheurs américains qu’à échéance de dix ans, aucun programme informatique ne sera capable de le battre aux échecs et, d’une manière générale, ne croit pas à la possibilité qu’un programme puisse s’imposer contre les plus forts joueurs humains : « L’idée d’un champion du monde électronique d’échecs appartient seulement aux pages d’un livre de science- fiction ».

De fait, il s’impose par 3.5 à 1.5 face à Chess, qui tourne pourtant sur un des plus puissants ordinateurs du moment, le Control Data Cyber 176 (14 MIPS).

C’est que l'analyse d'une position par un joueur peut se résumer un peu de la façon suivante : « Cela me rappelle une partie contre untel… Mon cavalier était en Y et mon adversaire avait utilisé sa dame sur l'aile et m’avait mis mat… Puisque mon adversaire joue ici de cette façon, je dois lui faire placer le cavalier en Y et je pourrai attaquer avec ma dame… »

 L'ordinateur dispose, plus encore que le joueur, de mémoire considérable mais il est incapable de l'exploiter (en dehors de l'ouverture) et de raisonner comme le joueur qui veut attirer son adversaire à un faux pas. Quant à l'intuition, à la liberté de choix, l'ordinateur n'en possède tout simplement pas. Alors qu'un joueur professionnel n'envisage que 10 % des coups possibles et que son arbre de recherche contient à peine 100 « nœuds », l'ordinateur calcule bêtement tous les coups possibles avec au final un arbre dépassant les milliards de noeuds!

Mais les recherches continuent.

La décision de créer en 1970 un championnat annuel d’Amérique du Nord de programmes d’échecs stimule les compétiteurs et la recherche des universités américaines. Le programme Chess 3.0, gagne de 1970 à 1973 sans jamais perdre une seule partie mais en 1974, lorsque le premier championnat du monde des programmes d’échecs est organisé à Stockholm, c’est, à la surprise générale, le programme russe Kaissa qui l’emporte…

Que les échecs soient humains ou électroniques, les Soviétiques tiennent incontestablement le haut du pavé mais cela ne va pas durer. Trois ans plus tard, pour la seconde édition, Kaissa se fait éliminer en demi-finale et la finale est Américano-américaine. Le programme de la Northwestern University, Chess 4.6, est prêt pour le match-revanche contre le Grand Maitre David Levy du 26 août au 5 septembre 1978. Celui-ci a quitté le circuit de la compétition mais il reste un adversaire de taille, avec un credo : « Face au programmes : ne rien faire, mais le faire bien ! ». Autrement dit, ne prendre aucun risque, développer tranquillement ses pièces et attendre que le programme se prenne les pieds dans l’échiquier. Il l’emporte finalement, une nouvelle fois. Mais il le reconnait : la course du progrès permet à la machine de talonner désormais l’homme.

Au plan humain, la fin des années 70 et le début des années 80 demeurent dans la même veine, pour le monde des échecs : Karpov maintient sa domination même si celle-ci est sérieusement contestée par l’infatigable Kortchnoï et, surtout, par la nouvelle étoile échiquéenne soviétique qui remporte le titre de champion du monde en 1985 : Gary Kasparov.

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

KASPAROV, LE CHAMPION SUR TOUS LES FRONTS

Surnommé « l’ogre de Bakou » pour son appétit insatiable de victoire ou encore le « monstre aux cent yeux qui voit tout », Kasparov restera le tenant du titre jusqu’en 2000, quinze ans d’affilée (un record, même si, entre temps, entre 1993 et 2006 il y eut deux championnats du monde concurrents : un schisme échiquéen dont je vous épargne les détails). A partir de 1983, Kasparov lui-même apporte son nom à la promotion publicitaire des jeux électroniques grand public développés par SciSys (qui deviendra Saitek).

Il faut dire que l’électronique se démocratise rapidement et que, pour le plus grand bonheur des modestes pousseurs de bois de tous les pays, des marques de jeux et d’électronique rivalisent pour que le grand public ait accès aux « jeux d’échecs électroniques », souvent assez onéreux. Petit à petit, ces machines sont à leur tour supplantées par des programmes sur disquettes puis sur CD-Rom.

Mais du côté « industriel », la compétition continue. En octobre 1989 a lieu une confrontation entre le programme Deep Though (anciennement dénommé ChipTest) et le champion du monde : Garry Kasparov, à l’Académie des Arts de New York. Au terme de deux parties disputées le même jour et de 1 h 30 mn pour chacun des joueurs, Kasparov écrase son adversaire mécanique. La ferraille peut aller se faire démonter. Les trois étudiants qui sont à l’origine du programme Deep Thought sont évidemment déçus et la presse, qui reconnait la valeur de leurs efforts, ne mâche pas son triomphalisme.

L’homme reste plus fort que la machine. On respire.

L’entreprise IBM, elle, embauche les trois jeunes gens qui y poursuivent leurs recherches avec l’objectif de mettre au point une machine capable de calculer 200 000 000 de coups par seconde grâce à ses 256 processeurs qui travaillent simultanément. Surtout, elle a l’habileté de faire appel à plusieurs Grands Maitres (Joël Benjamin, Miguel Illescas…) Pendant 7 ans, Deep Blue (c’est son nouveau nom) se rode, se perfectionne, s’améliore en affrontant divers Grands Maîtres dans des matchs exhibitions qui se soldent tantôt par sa victoire tantôt par sa défaite. L’objectif ultime reste cependant de faire mordre la poussière à « l’ogre de Bakou », alors au sommet de sa gloire.

Cela ne va se faire si facilement...

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Du 10 au 17 février 1996, Kasparov affronte Deep Blue dans un match de six parties, à Philadelphie. A la surprise générale, il commence par perdre la première partie mais réagit et remporte la seconde. Les deux parties suivantes sont nulles. Pour les deux dernières, le champion du monde domine très largement la machine. Le dernier mot reste donc à l’être humain. L’intelligence en boite de conserve, ce n’est pas encore tout-à-fait au point…

Quinze mois plus tard, le match retour a lieu et il va réserver des surprises.

Car Deep Blue, dans l’intervalle, a doublé sa vitesse de calcul et peut analyser désormais près de 200 millions de coups possibles en une seconde. Malgré une première défaite (tout de même !), l’ordinateur prend l’avantage dans la deuxième partie. Hélas, il manque le mouvement décisif qui pourrait lui faire vaincre le champion du monde (44e et 45e coups) et l’on s’achemine vers une partie nulle.

Quand, soudain, Kasparov prend une décision inattendue : il… abandonne ! De l’avis de nombreux observateurs, ce choix est d’autant plus incompréhensible que le champion soviétique pouvait même jouer De3, revenir dans le match et prendre l’avantage !

Lorsque s’ouvre la 6ème partie, les deux adversaires sont à égalité 2,5 - 2,5 (1 victoire chacun et 3 « nul »). Avec les noires, Kasparov prend de nouveau une décision étonnante : il joue une défense (= une ouverture du jeu) qu’il ne pratiquait plus depuis très longtemps. Un coup d’audace ? Raté. Au 11ème coup, il est en difficulté et la partie est considérée comme déjà quasiment perdue pour lui. Alors, au 19ème coup, il… abandonne à nouveau !

C’est la reddition, la défaite, la déroute, la retraite de Russie !

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

LA MACHINE DOMINE, DESORMAIS.

Kasparov est mécontent. Il demande à IBM un troisième match, une « belle ». Pusillanime et peu fair-play, IBM refuse. La firme a battu le champion du monde avec certainement un peu de chance, celui-ci ne paraissant pas très bien dans son assiette. Mais le gain est là et IBM n’a rien à gagner à remettre cette victoire en jeu. D’ailleurs, IBM prend la décision de mettre tout simplement un terme au développement de Deep Blue : vainqueur, l’ordinateur prend déjà sa retraite et ne jouera plus jamais une seule partie d’échecs !

Dans le monde sportif, c’est la consternation mais il faut remettre cette décision dans son contexte. L’objectif de la firme américaine était technique : construire une machine capable de mémoriser davantage de coups que l’homme et apte à prendre des décisions au moins aussi efficaces ou meilleures. C’est chose faite. Pour Kasparov, ce n’était pas l’aspect technique mais l’aspect échiquéen, sportif et intellectuel qui primait. Poursuivant deux objectifs divergents, les deux « adversaires » n’ont en réalité plus de raison de se rencontrer. Dans les années qui suivent, l’émirat d’Abu Dhabi finance Hydra, un programme qui affronte, en 2005 et en six parties, le Grand Maître Michaël Adams, 7ème joueur mondial et consacre une large supériorité de la machine sur l’homme par 5 victoires et un « nul. »

1972 : LES ECHECS, 64 CASES POUR UN DUEL A MORT

Les programmes informatiques n’ont plus désormais d’adversaire humains à leur taille et, même, ce sont désormais les joueurs eux-mêmes qui étalonnent leur niveau par rapport aux machines ! Les programmes d’échecs font florès sur internet, sur ordinateurs et téléphones portables et sont évalués théoriquement par rapport au « classement ELO » existant depuis 1970 (1000 points : débutant (enfant), 2000 : Niveau national, 2500 : Grand Maître International (~ 1500 joueurs dans le monde), > 2800 : Kasparov, Anand, Kramnik, Topalov, Aronian, Caruana, Nakamura, Grischuk, Vachier-Lagrave (le Français, 9ème mondial qui a atteint 2 819 et que nous saluons) et, bien sûr, l’extraordinaire Magnus Carlsen (« Le Mozart des échecs ») ont par exemple dépassé ce seuil, ce dernier affichant 2 863 en septembre 2020, record de tous les temps.

Avec 5 millions de parties jouées quotidiennement sur internet dans le monde, les échecs ont clairement conquis la planète mais pas… les Jeux Olympiques. Si le Comité International Olympique considère en effet que le Beach Volley et le Skate Board sont de vrais sports à part entière qui incarnent l’idéal olympique de Pierre de Coubertin, ils ont refusé cet honneur aux échecs qui avaient, pourtant, déposé leur candidature fin 2019.

Je vous laisse le soin de commenter cette décision…

Bonnes parties à toutes et à tous !

Copyright @ La plume et le rouleau - eptembre 2020

Dans le film L'Atlantide (1923 - G. Pabst), inspiré du roman de Pierre Benoit, la reine Antinéa défait implacablement l'infortuné lieutenant de Saint-Avit, tombé dans les rêts de sa séduction, grâce à une tactique appelée "sacrifice d'attraction" : une séquence qui ne relève pas d'un simple décor mais qui constitue une authentique partie d'échecs.

Dans le film L'Atlantide (1923 - G. Pabst), inspiré du roman de Pierre Benoit, la reine Antinéa défait implacablement l'infortuné lieutenant de Saint-Avit, tombé dans les rêts de sa séduction, grâce à une tactique appelée "sacrifice d'attraction" : une séquence qui ne relève pas d'un simple décor mais qui constitue une authentique partie d'échecs.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Articles récents