Cher(e)s Ami(e)s et abonné(e)s des chroniques de la Plume et du Rouleau,
Voilà une chronique dont on pourrait dire « ça va faire mal »…
Certains d’entre vous l’auront peut-être compris : son titre est un hommage à l’excellent opus de Philippe Beaussant (Gallimard, 2000) dont le titre original est Le Roi-soleil se lève aussi. Un ouvrage peu connu que j’eus la chance de découvrir grâce à l’un d’entre vous (merci Cyril !), que je vous conseille à mon tour et dont nous reparlerons un peu plus loin.
Pourtant, les ouvrages sur Louis XIV, le plus célèbre des monarques de l’histoire de France, ne manquent pas. Le Roi-soleil a fasciné autant ses contemporains que les générations qui l’ont suivi même si, loin de n’avoir que des admirateurs, Louis XIV a aussi parfois été jugé fort sévèrement, notamment à l’étranger (on s’en doute).
Pour les Français, le règne de Louis XIV est symbolique et fondateur à plus d’un titre.
Il est le règne le plus long (72 ans) d’un roi de France : né en 1638, le petit Louis accède au Trône en 1643 (à l’âge de 5 ans), est sacré à Reims en 1654 et meurt en 1715 (à 77 ans). Dans les faits, Louis XIV règne en personne à partir de 1661 (il a 23 ans) : date à laquelle meurt le cardinal de Mazarin, son véritable mentor autant que celui de sa mère Anne d’Autriche.
Pour le peuple et la vie du royaume, c’est une période de stabilité et de continuité politique jamais connue, même si Louis XIV, évidemment, ne sera pas le même monarque au début et à la fin de son règne.
Ce règne, on le sait, est marqué par un autoritarisme tellement abouti qu’on sera obligé de le qualifier d’un néologisme : « l’absolutisme ». Il faut dire que le futur Louis XIV a été traumatisé par la Fronde (cette longue révolte multiforme qui se déroule entre 1648 et 1652 quand il n’a que dix ans). Par ailleurs, au long de son règne, Louis XIV doit faire face aux menées de catholiques fanatisés, d’aristocrates frustrés, d’activistes protestants indignés par la révocation de l’Edit de Nantes ou encore de parlementaires (représentants élus de parlements locaux) révoltés : toutes ces oppositions renforcent la volonté louis-quatorzienne de ne pas céder un pouce de prérogatives.
Simultanément, Louis XIV n’a de cesse de mettre en scène sa personne et son règne à l’aide d’une propagande faisant de lui un demi-dieu (à l’égal du soleil), bâtisseur, guerrier et travailleur dévoué corps et âme à sa tâche de direction du royaume. Pour trace ultime de son règne, Louis XIV laisse à la postérité le château de Versailles : un ensemble d’un gigantisme ostentatoire et d’une technologie encore étonnante aujourd’hui (beaucoup de vannes et de conduites d’époque fonctionnent toujours parfaitement) et visité chaque année par 3 millions de visiteurs enthousiastes.
Ainsi, plus que tous ses prédécesseurs, Louis XIV a réellement incarné le pays. « L’Etat, c’est moi », lui prête-t-on en avril 1655 (dès l’âge de 17 ans…) aux parlementaires qui regimbaient à donner force aux édits qu’il avait signé : une formule longtemps reprise dans les manuels scolaires d’une IIIème république soucieuse de centralisation mais dont la majorité des historiens pensent aujourd’hui qu’elle est, en réalité, apocryphe.
Le règne de Louis XIV, enfin, permet à la France de se doter, enfin, de frontières objectives et stabilisées (il n’y en avait pas, à proprement parler, avant lui : le royaume de France incluant bizarrement des villes et diverses zones sous juridiction étrangère). Ces frontières sont, désormais, protégées par un système élaboré de fortifications établi par Vauban, lequel est l’inventeur de l’expression « pré carré ».
La géographie de la France laissée par Louis XIV recouvre, de fait, celle de la France d’aujourd’hui, qui n’a donc réellement que 300 ans d’existence…
Pour autant, le bilan politique et économique du règne de Louis XIV reste mitigé. Le royaume (30 millions d’habitants en 1715) en sort très affaibli au plan financier. Les guerres incessantes contre toute l’Europe (une trentaine d’années cumulées !) ont conduit à un endettement colossal qui, à la mort du roi, consomme par avance plusieurs années de recettes fiscales… futures ! Ces conflits ont par ailleurs retardé le développement d’infrastructures civiles (routes, écoles, hôpitaux) et freiné le développement industriel : la France reste un pays rural, peu commerçant, peu bancarisé. L’administration, les grands corps d’Etat, leurs cortèges de contrôles et de normes administratives ont en revanche, hélas, été développés et renforcés dans un contexte d’absence de modernisation législative ou fiscale : sans vraiment se moderniser, la France de Louis XIV s’est surtout lourdement bureaucratisée.
On peut, par parenthèse, se demander d’ailleurs si cette situation a vraiment changé depuis 1715...
Mais passons…
De tout cela, fort rebattu et simplement destiné à servir de prolégomènes, vos chroniques préférées ne vous parleront pas.
C’est que les historiens, depuis que l’enseignement de l’histoire (sous l’impulsion d’Ernest Lavisse) est devenu obligatoire à l’école laïque (soit : les années 1880), ont toujours largement privilégié une histoire politique et militaire, évènementielle et ponctuée de grandes figures nationales destinées à rythmer la chronologie du « roman national » républicain. Cette histoire-là, qui peut parfois paraitre désuète, continue de servir de fil conducteur à l’identité de notre nation : elle demeure donc, en ces temps de mondialisation aveugle et brutale, un repère plus que jamais indispensable, notamment dans l’œuvre nécessaire d’adaptation à la culture française des populations qui veulent s’y installer.
A l’inverse, l’histoire de la vie privée a été largement considérée comme d’un intérêt mineur, voire un sujet vulgaire né d’une approche particulière, anecdotique et vue par « le petit bout de la lorgnette ». Ce n’est plus le cas depuis une trentaine d’années.
Depuis une trentaine d’années, les ouvrages sur Louis XIV se sont intéressées aux aspects « secrets » de sa personnalité : d’abord les plus croustillants (les affaires d’alcôve), bientôt les plus intimes et enfin, les plus techniques. Au tournant du XXIème siècle, l’écrivaine (quoique la parité soit bienvenue, le mot, lui, est affreusement laid) Michèle Caroly publie un ouvrage innovant « Le corps du roi-soleil » (Les éditions de Paris – Max Chaleil, 1999). En 2000, l’écrivain Philippe Beaussant publie « Le roi-soleil se lève aussi ». En 2004, l’enseignant et historien Stanis Perez publie (éditions Jérôme Million) une étude serrée sur un ouvrage d’époque qui avait, jusque là, suscité peu d’intérêt : l’authentique « Journal de santé de Louis XIV » rédigé par ses médecins. Il en fera une thèse. Ces questions, les « Louis XIV » de Georges Bordonove (celui de 2006) et de Jean-Christian Petitfils (2008) en traiteront également. A tous ces ouvrages, la présente chronique a beaucoup emprunté et il est donc tout naturel de rendre hommages à leurs auteurs.
Tous ces ouvrages (pour ne citer que ceux-là) tiennent à éclairer un même thème : outre la vision « conceptuelle » de Louis XIV (monarque, décideur, général, administrateur, incarnation de la pérennité du royaume, etc…) la vision « matérielle » du roi est indispensable. Louis XIV est un homme de chair et de sang : comme chacun il vit, il aime, il souffre et, tantôt il le montre, tantôt il le cache. Il a pour cela, à chaque fois, des raisons bien précises. Car son enveloppe charnelle, son corps, n’est pas un corps comme les autres : ses performances, ses souffrances, ses guérisons, ses traitements, sa décrépitude prennent fatalement une dimension nationale et s’inscrivent dans le cadre d’un rôle et d’une place, sans pareil, du roi dans le royaume.
En bonne santé ou en mauvaise santé, le corps du roi s’exprime et est porteur d’un message. Nous allons tenter de le comprendre en nous intéressant à un aspect trivial mais non moins passionnant de la vie du monarque du Grand Siècle : sa santé.
Les urines, excréments, morves, toux, crachats, bile, vomissures, boutons, sérosités, pustules, fistules, fluxions, infections et autres affections diverses du royal patient présenteraient-ils un intérêt d’étude autre que bassement clinique ?
D’aucuns pensent que oui. Et vos chroniques aussi. Et c’est pourquoi elles vont vous en parler, signalant au passage, pour une meilleure compréhension, les évènements politiques du moment et les étapes de la vie personnelle du roi. Un roi qui a beau être souffrant mais qui règne en même temps. A moins que cela ne soit l’inverse…
1638 : Naissance presque inespérée de Louis-Dieudonné
Dès le départ (5 septembre 1638) la santé du jeune Louis-Dieudonné, héritier du trône, est l’objet de toutes les attentions : il est en effet le premier enfant né après 23 ans d’union entre Louis XIII et l’infante espagnole Anne d’Autriche. On respire : le royaume aurait pu tomber entre les mains de Gaston, frère de Louis XIII, personnage dilettante et velléitaire, caractérisé autant par une propension irrépressible à conspirer pour prendre le pouvoir et par une capacité à ne pas soutenir ceux qui, tels d’Ornano, Chalais, Montmorency ou Cinq-Mars, auront le tort de se prêter à ses manigances.
1640 : Une continuité dynastique renforcée, grâce à la naissance d’un frère cadet
Premier-né du roi Louis XIII, Louis (c’est son nom de baptême) porte donc tous les espoirs de continuité dynastiques. Deux ans après, en 1640, la reine donne naissance à un second fils : Philippe, duc d’Anjou puis duc d’Orléans (à la mort de son oncle Gaston). C’est de Philippe que descend l’actuelle branche dite des « Orléans » dont l’actuel chef, le « comte de Paris » revendique d’être, le cas échéant, le souverain d’une hypothétique restauration. Au reste, contrairement à ce qu’il prétend, ses prétentions sont juridiquement faibles et, tous les historiens du droit le savent, la branche des « Bourbons » d’Espagne, descendants directs de Louis XIV (via son petit-fils Philippe « V d’Espagne »), a en réalité des droits à la couronne au moins égaux (et, en plus, le bon goût de ne pas les afficher…)
1643 : Le roi et ses archiatres
Mais revenons à Louis-Dieudonné qui, en 1643, à 5 ans, échappe de peu à la noyade alors qu’il joue dans les jardins du Palais-Royal.
La vie de l’héritier de la couronne, même s’il a un frère, Philippe, est un bien rare auquel il faut prêter la plus grande attention : le risque est grand d’un chaos comme celui de la « Fronde » si, d’aventure, la succession venait à être ouverte. La santé du roi est, en soi, une affaire d’Etat et c’est pourquoi le roi Louis XIV est entouré d’un cercle de praticiens qui se succèdent ou se relaient pour traiter les affections dont il est l’objet.
Le médecin personnel de Louis XIV est appelé le « Premier médecin » ou « archiatre ». Il est, de droit, surintendant du jardin royal (où l’on trouvera les plantes médicinales nécessaires à la pharmacopée destinée au royal patient). Il est entouré de « médecins par quartier » qui se relaient par roulement (« quartiers » = une partie de la journée). Outre ces médecins, on trouve aussi des chirurgiens, des apothicaires et même des barbiers pour s’occuper de la santé du roi.
1647 – 1671 : L’archiatre Antoine Vallot, médecin de la jeunesse du roi
A partir de 1647 (le petit Louis a 9 ans), la charge de Premier médecin est donnée à un dénommé Antoine Vallot : il l’occupera 29 ans, jusqu’en 1671. A son accession à sa charge, Vallot va entamer la rédaction d’un ouvrage sans équivalent jusque-là, jetant par la même un éclairage cru sur la vie du monarque : Le journal de santé de Louis XIV. C’est évidemment un document strictement confidentiel, d’aucuns pouvant avoir un intérêt à connaitre les points faibles du roi pour attenter à sa personne ou fomenter des rumeurs calamiteuses.
En novembre 1647, à l’âge de 9 ans, par exemple, Louis est atteint par la variole (du latin varus : pustule) : une maladie infectieuse fatale dans un cas sur cinq (et qui ne sera éradiquée qu’à la fin du XIXème siècle). Il en réchappe après une dizaine de jours de fièvre mais la maladie lui laissera pour la vie des marques disgracieuses au visage : une particularité que (comme pour Staline, plus tard) l’iconographie se gardera bien de mettre en… relief (c’est le cas de le dire).
1648 : Le royaume malade de la Fronde
De 1648 à 1652, la France vit la « Fronde » : une période d’agitation intense qui traduit une contestation du pouvoir royal par les Parlements (les cours régionales de justice qui doivent servir de relais aux édits royaux) et la noblesse, lesquelles manipulent largement la populace au long d’un happening de 4 ans… Encore enfant, le jeune Louis restera durablement marqué par cette période d’instabilité et d’incertitudes…
1654 : Louis XIV, le bourreau des corps
Le 7 juin 1654, Louis « XIV » est sacré à Reims, tout en laissant, dans les faits, le cardinal de Mazarin aux commandes du royaume.
L’enfance et l’adolescence de Louis XIV, d’une façon générale, sont marquées par l’activité physique : le jeune homme chasse beaucoup (cela fait partie de l’éducation, virile, du roi) et adore la danse. Laissez de côté vos préjugés du genre : Louis XIV attend tranquillement dans les bois qu’on lui rabatte le gibier puis s’en va danser aimablement le menuet….
Non, la chasse royale se fait « à courre » : c’est une activité physique fatigante où l’on chevauche de longues heures dans la forêt et où, après que la meute ait traqué la bête, on la « force » (poursuit) puis on la « sert » (achève) au couteau ou à l'épieu.
Quant à la danse, ceux qui la pratiquent sérieusement savent combien l’activité est exigeante (et ce sera le cas pour Louis XIV, qui aime notamment à pratiquer les sauts, très physiques, devant lesquels s’esbaudissent les courtisans) : on est loin des ballets compassés des films de cape et d’épée de notre enfance…
Les activités « physiques » en tous genres de Louis XIV ne sont évidemment pas sans risque : en 1655, à 17 ans, il contracte une blennorragie (maladie sexuellement transmissible de nature infectieuse, vulgairement appelée « chaude-pisse » chez l’homme, où elle provoque de vives douleurs dans l’urètre au moment de la miction). Jamais totalement soignée (la pénicilline ne sera découverte que dans l’entre-deux guerres), elle le fera souffrir par la suite de nombreuses années : un royal cadeau dont se seraient certainement passées les diverses amantes d'un soir du jeune monarque...
1658 : Des vingt ans enfiévrés
En 1658, Louis XIV a vingt ans et, au siège de la ville de Bergues (c’est dans ch’Nord, tout l’monde le sait maintenant !...), il contracte une forte fièvre (sans doute la typhoïde). Durant quelques jours, on craint le pire. On lui administre même les derniers sacrements mais, à la surprise générale, le roi recouvre la santé.
1659 : L’âge de la prise de pouvoir
Les affaires du royaume vont alors connaître une vive accélération : en novembre 1659, le Traité des Pyrénées fixe clairement les frontières entre la France et l’Espagne et, moins d’un an plus tard, en juin 1660, Louis XIV épouse l’infante espagnole Marie-Thérèse, dont il est génétiquement le cousin germain. Un an encore plus tard (mars 1661), la mort de Mazarin permet à Louis XIV, désormais âgé de 23 ans de prendre le pouvoir dans les faits : il supprime le poste de Premier ministre et, désormais, gouvernera seul, en direct. Au mois de septembre de la même année, il fait arrêter son surintendant (ministre) des Finances Nicolas Fouquet et supprime également son poste : le roi supervise maintenant directement les Finances, désormais administrées par un personnage discipliné et besogneux : Colbert.
1661 : Le grand chantier du pharaon de Versailles
Louis XIV lance le début des travaux pharaoniques destinés à aménager le site de Versailles : ils dureront 40 ans. C’est aussi le début de son idylle avec Louise de la Vallière, abritée, précisément, à Versailles et qui provoque l’indignation outrée de quelques bigots tel Bossuet.
1663 : Des thérapies hasardeuses pour une prophylaxie inexistante
Louis XIV concentre maintenant tous les pouvoirs et c’est avec inquiétude qu’on le voit contracter, en 1663, la rougeole, dont il réchappe encore une fois et sans séquelle.
Durant tout ce temps, son Premier médecin est donc Antoine Vallot. Antoine Vallot est diplômé de la faculté de Médecine de Montpellier, laquelle entretient une concurrence acharnée avec celle de Paris qui, évidemment, la dénigre. Ses comptes-rendus de la santé du roi portent ainsi la marque des justifications permanentes qu’il doit faire de ses ordonnances et du triomphalisme qu’il manifeste à travers le récit des royales guérisons qu’il s’attribue.
Ne nous imaginons pas les médecins du roi à l’image de ceux décrits avec acidité par Molière : chapeaux pointus, emploi d’un latin de cuisine destiné à impressionner les néophytes et moult référence à des personnages antiques pour masquer leur incompétence. Il s’agit là d’une caricature délibérément outrancière à usage uniquement comique (un peu comme si la postérité utilisait les sketches de Thierry le Luron pour se faire une idée du comportement des hommes politiques)... Le Premier médecin du Grand Siècle est en réalité un professionnel sincère qui bénéficie d’un prestige important. Proche du quotidien du roi, c’est un personnage-clé de la vie de la cour, il est systématiquement anobli et, forcément, largement rémunéré.
Il n’en reste pas moins que… son efficacité reste redoutablement limitée.
La médecine part en effet du postulat de l’existence d’« humeurs » dans le corps, dont l’équilibre doit être rétabli prioritairement par l’exercice de saignées et de purges ! Louis XIV les déteste ouvertement. Il le dit souvent. Il proteste parfois. Il s’y soumet toujours.
Le médecin du Grand Siècle observe beaucoup mais systématise peu l’analyse des résultats des expérimentations et des remèdes (il ne fait pas de « back testing » dirions-nous aujourd’hui). Il innove aussi en attribuant, sans aucune base expérimentale préalable, des vertus thérapeutiques à l’antimoine (proche de l’arsenic !), le quinquina, l’eau minérale (des Vosges), le thé, le café, le bain… Les vertus diverses de ces produits et pratiques existent certainement mais sont, hélas, rarement adaptées de façon spécifique aux diverses afflictions du roi !
Le médecin du Grand Siècle ne développe non plus quasiment aucune prévention des affections : régime alimentaire ou hygiène de vie. Par ailleurs, nombre de ses connaissances reposent en réalité sur des conceptions erronées car jamais vérifiées cliniquement (ex. : on croit que c’est le foie qui produit le sang : on sait aujourd’hui que c’est la moelle osseuse).
L’ardeur de Louis XIV ne concerne pas seulement les arts de la table, elle s’exerce également dans les arts de la guerre. En dépit de son mariage, c’est prioritairement avec l’Espagne (dont les souverains Habsbourg, par leurs possessions, encerclent le royaume de France) que Louis XIV ferraille.
Au plan intérieur, c’est avec le pouvoir religieux que Louis XIV a maille à partir : il ne cesse d’affirmer son pouvoir sur l’Eglise de France (ponction fiscale accrue) et de renforcer l’indépendance de celle-ci face à l’autorité du pape, affaiblissant la puissance de l’ordre des Jésuites. Cette politique lui attire la haine des franges les plus conservatrices de l’aristocratie (le « parti des dévots »), par ailleurs choquées des mœurs dissolues du monarque…
1666 : La galère d’être Rom sous Louis XIV
Mais Louis XIV (une sorte d’ « omni-monarque ») s’occupe aussi (c’est apparemment une constante de l’histoire de France) des… Roms ! On dit alors les « Bohémiens » et, par ordre du roi en 1666, tous les hommes sont arrêtés et expédiés aux galères (un corps créé 4 ans plus tôt) où l’on a besoin de main-d’œuvre pour développer une marine militaire et commerciale rapide, efficace et bon marché.
1667 : On repasse les plats pour le Roi
A partir de 1667, Louis XIV se détache ostensiblement de Louise de la Vallière pour lui préférer la belle madame de Montespan. Fougueux et énergique, c’est en même temps à partir de ce moment que Louis XIV (qui a 29 ans seulement) connait des problèmes digestifs. « La cause en est simple, nous dit Georges Bordonove : la gloutonnerie du roi, qui s’empiffre jusqu’à l’indigestion ». Le midi par exemple, (le « dîner » comme l’on dit à l’époque soit le « petit couvert » pour le roi), il n’y a pas moins de 10 plats par service, que Louis XIV picore à son gré. Mais il y a 3 services !
Louis XIV aime certes les légumes, petits pois, artichauts, asperges et salade notamment. Mais il affectionne surtout les plats riches, les ragouts en sauce, les œufs, les volailles et gibiers (les langues de canard, par exemple…). Il engloutit des huîtres et des poissons et du pain trempé dans de la soupe au vin. Il est capable, nous dit sa belle-sœur la « princesse Palatine », femme de son frère Philippe et originaire de Bavière d’engloutir au cours d’un seul repas un faisan entier, quatre assiettes de soupe, une perdrix et autres viandes.
Il termine par des fruits ou par des douceurs fort sucrées : pâtisseries, confitures, pâtes de fruit (groseille, écorce d’orange ou guimauve). Et si jamais il avait faim, durant la nuit ? On dispose des ailes de poulet sur sa table de chevet…
Louis XIV mange donc beaucoup, à tous les repas qui se prolongent tard dans la nuit avec les « médianoches », ces repas pris après minuit qui suivent un jour imposé comme « maigre » par la religion… Autant que la danse ou la chasse, plus encore que le lever, le coucher ou le passage à « la chaise percée », Louis XIV donne ses repas en spectacle à ses courtisans, sommés de venir le contempler manger pour se convaincre que, en ce domaine aussi, il fait des prouesses et des exploits qui imposent l’admiration.
Alors, forcément, Louis XIV est rapidement confronté à des problèmes récurrents de digestion. Contre ceux-ci, on prescrit quelques rares diètes, courtes et vite suivies d’un nouveau banquet : le monarque préfère endurer purges et lavements, à l’issue desquels les médecins examinent attentivement les royales déjections : quantité, forme, couleur sont longuement décrites, à défaut d’être correctement analysées.
De toute façon, les médecins ne savent pas traiter le diabète (de « type 2 » c’est-à-dire « gras ») dont va progressivement souffrir le roi. Ils peinent aussi à soulager ses nombreuses migraines.
1671 – 1692 : L’archiatre Antoine Daquin, médecin de la plénitude royale
A partir de 1671, c’est un dénommé Antoine Daquin.qui, succédant à Antoine Vallot, prend la place de Premier médecin (« archiatre ») du roi Louis XIV, lequel a maintenant 33 ans. Comme son prédécesseur, il a été formé à la prestigieuse faculté de médecine de Montpellier. Particularité : c’est un descendant d’un célèbre rabbin, Philippe Daquin.
Ce n’est pas tant sa compétence que ses manières personnelles qui suscitent la réprobation de ses contemporains : Daquin apparait ambitieux et sans scrupule, pratiquant le népotisme (c’est assez courant mais pas très digne) mais aussi, dit-on, monnayant pour son compte l’accès au monarque (c’est plus fâcheux). Il fait l’objet d’attaques de plus en plus violentes de la part de divers envieux ou de gens légitimement indignés.
Cette double décennie est certainement celle de l’apogée de l’activisme militaire de Louis XIV, lequel va mettre l’Europe à feu et à sang et fait simultanément front aux Habsbourg d’Espagne, au pape et aux Protestants d’Europe du nord (Anglais, Suédois). Les armées françaises guerroient sur terre et mer en Irlande, au Luxembourg, en Allemagne…