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LA PLUME ET LE ROULEAU

LA PLUME ET LE ROULEAU

250 chroniques éclairent le présent à la lumière de l'histoire


1761 : Docteur VOLTAIRE et Monsieur AROUET

Publié par La Plume et le Rouleau sur 11 Octobre 2002, 12:23pm

Catégories : #Personnalités célèbres

Mes Cher(e)s Ami(e)s,

Démythifions, démythifions : il en restera toujours quelque chose… A l’heure où, plus que jamais, le discours officiel donne de la voix, où le prêt-à-penser inonde les magazines et où le politiquement correct tyrannise une société avide de consensus, il est heureux que des voix discordantes puissent s’élever pour tenter de battre en brèche quelques idées reçues

Prenons l’exemple d’un sordide fait divers survenu le 13 octobre 1761, à Toulouse.

Ce jour-là, Marc Antoine, 30 ans, le fils aîné du marchand de tissus Jean Calas (protestant calviniste) est découvert pendu dans le magasin de son père. Soucieux d'éviter à son fils le sort réservé aux corps des suicidés (c-à-d jetés à la voirie) Jean Calas commet l'imprudence d’affirmer que Marc Antoine ne s'est pas donné la mort. Cela se retourne contre lui car le bruit court alors que c’est Jean Calas lui-même qui aurait tué son fils. Pourquoi ? Car ce dernier aurait songé à abjurer sa foi protestante pour passer au catholicisme…

A la suite d'une condamnation en première instance devant les juges « capitouls », le parlement de Toulouse se saisit de l'affaire en appel. A la majorité de huit voix contre cinq, Jean Calas est condamné à la peine capitale et son deuxième fils, jugé complice, Pierre Calas, est condamné au bannissement perpétuel. Le 10 mars 1762, Jean Calas est roué vif en place publique, puis étranglé et brûlé. Ses cendres sont dispersées au vent.

L’affaire vient aux oreilles de Voltaire une dizaine de jours plus tard, lequel se scandalise du caractère expéditif du procès et soupçonne l’erreur judiciaire aboutissant à un supplice inhumain. Durant deux ans, Voltaire va déployer une énergie débordante au service de la cause qu'il a décidé de défendre : il écrit d'abord à tous ceux qui, à Versailles (où siège la cour du Roi), sont susceptibles d'intervenir. Sans succès : « On est si occupé des désastres publics (liés aux guerres, NDLA) qu'on ne songe pas à mon roué ! » déplore-t-il.

Il interroge alors lui-même Pierre Calas et son jeune frère, Donat ainsi que la veuve Calas. Il ameute l’opinion publique à Paris et dans toute l'Europe. En juin 1764, le Conseil du Roi casse la procédure et, moins d’un an plus tard, le 9 mars 1765, un arrêt du même Conseil proclame l'innocence de Jean Calas et accorde à sa veuve l'indemnité réclamée pour elle par Voltaire.

La victoire est totale  !

C’est beau, un philosophe qui lutte avec énergie, abnégation, intransigeance et indépendance d’esprit pour une cause immanente, combattant l’obscurantisme et l’injustice d’une plume brillante, non ? C’est en tout cas l’image que Voltaire a laissée dans la mémoire collective.

Alors, d’un tel personnage nanti de tant de qualités intellectuelles, un des premiers à être « panthéonisé » par la jeune République (1791) désireuse d’offrir en exemple les vertus des grands hommes, on aurait pu attendre aussi des qualités personnelles de haut niveau. Hauteur de vue, magnanimité ou détachement des choses matérielles auraient pu par exemple caractériser un tel grand homme…

Et, au vrai, il est juste de dire, à l’instar de l’écrivain Elisabeth Badinter, que Voltaire « crée » véritablement la figure de l’intellectuel engagé et lui assigne son rôle : ne pas être un penseur enfermé dans sa tour d’ivoire ni le chef d’une école intellectuelle, mais demeurer un agitateur permanent, s’emparer de causes, provoquer l’indignation, ameuter l’opinion publique, alerter les Grands et les petits de ce monde, les sensibiliser et les conduire à s’investir pour, eux aussi, dénoncer les horreurs, les atrocités, les injustices, les iniquités, les préjugés, les mensonges et les fanatismes dont regorge l’époque.  

Pour l’historien Guy Chaussinand-Nogaret, Voltaire fut un « Victor Hugo des Lumières », au succès tel qu’il lui offrit l’aisance financière nécessaire à l’indépendance personnelle, haï de tous ceux qui trompaient et emprisonnaient, rois, gouvernements, églises, religions. Grâce à son œuvre monumentale (contes, nouvelles, opéras, dialogues, correspondance), il fut capable d’exercer sur l’Europe une fascination sans égal pour l’époque et côtoya les Grands gouvernants tels Frédéric II de Prusse et Catherine II de Russie, qu’il influença notablement.

Mais cet autre géant de la littérature ne répond pas à la question : comment peut-on être si grand dans son art et si petit dans son quotidien ?

Bonne journée à toutes et à tous.

La plume et le rouleau (C) 2002

D'autres personnages à démysthifier ? Voyez l'étonnant André Malraux où le pittoresque Saint-Exupéry...

Et pour d'autres mystères et secrets, lisez La cinquième nouvelle...

 

 

 

 

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