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LA PLUME ET LE ROULEAU

LA PLUME ET LE ROULEAU

250 chroniques éclairent le présent à la lumière de l'histoire


33 : La CRUCIFIXION, un supplice très élaboré

Publié par La Plume et le Rouleau sur 29 Mars 2002, 14:45pm

Catégories : #Crimes & affaires judiciaires

Mes Chers Amis,
Le « vendredi saint », comme l’appellent les Chrétiens, est l’occasion pour ceux-ci de célébrer un évènement dramatique mais ô combien fameux : le supplice de Jésus sur le Golgotha (la « montagne du crâne », située à l'époque hors les murs de Jérusalem), sur ordre du pouvoir romain représenté localement par le préfet Pilate, la veille du shabbat juif, il y a approximativement 2002 ans.

Une drôle de sentence, par ailleurs, puisque :

- Jésus est condamné par un tribunal juif (le Sanhéddrin) pour un motif religieux : la profanation du temple, l'usurpation de messianité, ce que Jésus ne nie pas

- sa condamnation est validée par le représentant de Rome, Ponce Pilate, pour un motif politique (Pilate n'a aucune autorité au plan religieux et ne s'en préoccupe pas) : Jésus incite à refuser de payer l'impôt à Rome, il se prend pour un dieu alors que seul l'empereur doit être considéré comme vrai homme et vrai dieu, ce que Jésus tente de minimiser ("C'est toi qui lde dis...")

- la peine exécutée est une peine de droit commun, réservée aux délinquants (brigands, assassins et voleurs, ce que Jésus n'est pas, Pilate le sait parfaitement et c'est pourquoi il hésite tant à propos de la sentence) : la crucifixion.

« Ils le crucifièrent », donc, nous disent en chœur les deux évangélistes Marc (chapitre 24) et Luc (chapitre 23) : une formule pour le moins expéditive dans une affaire aussi exceptionnelle.

C’est donc l’occasion pour les Chroniques de la plume et du rouleau d’aborder un peu plus amplement les évènements tragiques auxquels le calendrier liturgique chrétien fait référence. Que sait-on exactement, historiquement parlant, de la crucifixion en général dans le monde romain et plus particulièrement de celle évoquée dans les évangiles canoniques ?

De la première, on sait beaucoup de choses. On connaît bien aujourd’hui les modalités « techniques » du supplice grâce à diverses sources contemporaines et surtout à la découverte de squelettes (notamment celui de Giv'at ha-Mirtav (mis au jour au nord de Jérusalem en 1968) étudiés par les archéologues.

Allons y voir de plus près.

La crucifixion, telle qu’on la donne ordinairement en représentation dans l'iconographie chrétienne, semble très spectaculaire. La croix est posée sur le sol, le condamné est allongé dessus, on lui cloue affreusement les mains en enfonçant le clou dans la paume, il a les pieds posés sur un petit socle de bois. Puis on redresse la croix, c’est la partie la plus horrible du supplice : la douleur et l’effusion de sang des plaies provoquent rapidement la mort.

Ca, c’est dans les films d'Hollywood et dans les livres de catéchisme. La réalité historique du supplice de la crucifixion à l’époque romaine est nettement différente. Car, dans l’Antiquité, dans toutes les civilisations, on adore crucifier. On crucifie même parfois la tête en bas, c’est amusant aussi.

Seuls les Romains, en revanche, avec leurs habitudes de réglementation, donnent une nature spécifique à la crucifixion et en fixent les modalités homogènes : la crucifixion est une peine infamante réservée à ceux qui troublent l’ordre public, criminels ou révoltés, généralement appliquée à des non-romains (mais les légionnaires peuvent y avoir droit aussi dans des cas de rébellion).

Cela explique (enfin) clairement pourquoi Jésus (qui est accusé d’avoir troublé l’ordre public et de s’être prétendu roi) y est condamné, en même temps que deux malfaiteurs.

Loin d’être grossière, comme on pourrait le supposer, cette torture est en fait particulièrement raffinée.

Le supplicié, que l’on commence par épuiser à l’aide de coups, est condamné, non pas à porter la croix en elle-même (beaucoup trop lourde et volumineuse, si l’on veut qu’elle ait une dimension suffisante pour supporter un homme) mais à traîner derrière lui le tasseau transversal de cette croix, que l’on appelle le « patibulum » en latin.

Les clous ne sont pas plantés dans la paume de la main mais dans les poignets (dans l’ « humérus » voir commentaires ci-dessous) afin que le condamné reste bien fixé malgré le poids de son corps qui déchirerait à la longue les tissus de la main, ce qui lui permettrait de s’échapper sans blessure véritablement mortelle.

Le condamné n’a pas les pieds sur un bloc de bois : on ne se soucie évidemment guère de son confort ! Ce qu’on fixe sur la partie verticale de la croix, à hauteur des reins et non des pieds, est une pièce de bois triangulaire que l’on nomme la « sédula » : vous allez en connaître l’utilité plus loin.

Les pieds du condamné sont en réalité posés l’un près de l’autre puis les jambes sont tournées de côté et l’on plante un long clou qui traverse latéralement les deux pieds et vient se planter dans le socle de la croix : le condamné a donc le bassin qui forme un angle droit avec son torse, ce qui l’empêche de respirer librement.

Car, contre toute attente, la mort n’est pas obtenue par les diverses blessures infligées ni par les effusions de sang, en réalité assez limitées. Elle résulte de l’atroce alternance entre la suffocation et l’asphyxie. Le condamné est incapable de trouver une position lui permettant de respirer correctement : l’angle des bras et leur extension l’empêchent de respirer librement et il est contraint à un halètement pénible. Il tente alors de se redresser sur ses pieds, eux-mêmes cloués. Mais cet effort se révèle vite insoutenable, la « sédula » lui cambrant les reins tandis qu’il ne peut même pas s’asseoir dessus.

On croit généralement que cette position, pour inconfortable qu’elle fût, ne pouvait être durablement supportée. Il n’en est rien : les historiens romains décrivent la résistance de plusieurs jours qu’eurent les gladiateurs de l’armée de Spartacus, crucifiés au nombre de 6000 (!) le long de la via Appia, menant de Capoue à Rome.

D’ailleurs, moins pour abréger les souffrances des condamnés (dont le pouvoir romain n’a cure) que pour hâter tout simplement l’exécution et mettre un terme à son déroulement, les Romains ont l’habitude, après quelque temps, de briser les tibias des crucifiés. Dépourvus d’appui, ceux-ci pendent alors complètement. La privation d’oxygène tétanise rapidement l’ensemble des muscles et la mort survient par asphyxie en quelques minutes.

Que nous disent les évangiles "canoniques" (= officiels depuis le Vème siècle, par opposition à tous les autres récits sur Jésus, depuis cette date désignés sous le terme "apocryphe" = faux / cachés) ?

Rien de fondamentalement différent de ce qui précède. Au contraire.

L’on est donc fondé à penser que ce que subit Jésus, logiquement, ne fut pas différent des autres condamnés « habituels » et, par conséquent, les découvertes archéologiques fournissent donc une image très sensiblement différente de celle vulgarisée dans les productions hollywoodiennes à grand spectacle (telle « Jésus de Nazareth » de Zeffirelli en 1978) et de celle véhiculée par l'iconographie traditionnelle de la liturgie chrétienne.

La crucifixion du Christ eut lieu, nous disent les Evangiles, un vendredi. Or, les traditions juives (que le pouvoir romain s’efforçait de respecter afin de conserver la paix civile) exigeaient que tout supplice fût consommé avant le début du shabbat (qui commence à la fin du jour de vendredi).

Pour les deux brigands condamnés avec Jésus, les soldats romains procédèrent de façon classique : ils leur brisèrent les jambes, mettant précocement fin à leurs souffrances. Cela est dit dans les textes.

Pour Jésus, pourtant, les soldats procédèrent autrement : afin de vérifier s’il était déjà mort, ils enfoncèrent d’abord la pointe d’une lance dans sa poitrine (nous dit l'évangéliste Jean), ce qui ne suscita aucune réaction du supplicié mais fit couler de l’eau (sans doute celle de la plèvre). Voyant cela, les soldats approchèrent alors une éponge pleine de vinaigre de son visage. Apparemment, épuisé par la flagellation puis par l’effort de traction du patibulum (les romains avaient même été obligés de réquisitionner le juif Simon de Cyrène, nous disent Marc, Matthieu et Luc, sur le trajet, pour aider le condamné), Jésus avait déjà succombé.

Sa mort fut donc rapide car l’évangile de Marc nous dit que Jésus fut crucifié "à la troisième heure" et ceux de Marc et Matthieu disent tous les deux que Jésus mourut "à la neuvième heure" soit une durée de six heures sur la croix, ce qui est court...

Deux amis de Jésus, Joseph d’Arimathie et Nicodème, notables influents de Jérusalem, vinrent alors réclamer le corps du supplicié à Pilate. Pilate, disent les textes, s’étonna que Jésus fût déjà mort. Cependant, devant les témoignages, il donna son accord afin que le supplicié fût mis au tombeau.

On connaît la suite par les textes : le dimanche suivant, le tombeau fut découvert vide par Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et Salomé. La pierre était roulée et le linceul était plié. Quelques jours plus tard, Jésus réapparut à Marie de Magdala puis à ses disciples qui ne le reconnurent d’abord pas. Quelque temps après, Jésus disparut pour de bon et fut, selon l'évangéliste Luc « emporté au Ciel », et selon l'évangéliste Matthieu « enlevé au Ciel (et) s’assit à la droite de Dieu ».

Mort, disparition, réapparition puis nouvelle disparition, définitive cette fois : c’est le début de la Foi pour les Chrétiens et celui d’un des plus passionnants mystères de tous les temps. Car plusieurs solutions sont possibles pour expliquer la disparition du corps de Jésus de son tombeau :

- L’explication surnaturelle de la résurrection, énoncée par Luc et Matthieu et reprise par Saint Paul (qui ne fut pas un témoin direct de la scène).
- L’escamotage du cadavre par ses disciples eux-mêmes : cette thèse est directement évoquée par Matthieu dans son évangile, qui la disqualifie immédiatement en la traitant de « fable ».
- L’escamotage du cadavre par le pouvoir romain, soucieux de ne pas voir les foules venir se recueillir près de la tombe d'un prophète et d’éviter ainsi que ne se poursuive l’agitation populaire. Simple hypothèse qu'aucun texte ni indice ne viennent appuyer.
- Une dernière solution au terme de laquelle, malgré les apparences et compte tenu des éléments techniques de la crucificixion évoqués ci-dessus, Jésus n’aurait pas été cliniquement mort lors de sa descente de croix : après une simulacre de mise au tombeau, aurait été mis en lieu sûr pour y être soigné. Cela expliquerait la présence dans le tombeau d'un linceul plié donc non utilisé. Cela expliquerait également le retour de Jésus quelque temps après, rétabli mais avec une apparence transformée pour ne pas être reconnu par les soldats romains (au point qu'il ne le soit pas non plus par ses disciples !) Diverses traditions, y compris musulmanes, évoquent d'ailleurs une fuite ultérieure de Jésus par la route de la Soie et vers le nord de l'Inde (au Cachemire) : on trouve, à Srinagar (capitale du Cachemire), un étrange monument funéraire islamique du nom de
Rozabal, érigé en l'honneur d'un saint homme... préislamique (ce qui n'est vraiment pas courant pour les Musulmans) du nom de "Yuz Azaf", contemporain des évènements de la Passion.

En fonction de son positionnement parmi ces éventualités (qui posent de toutes façons davantage de questions qu’elles n’apportent de réponse), chacun d’entre nous choisira une route différente pour la suite de cette histoire passionnante qui, depuis plus de 2000 ans et pour encore longtemps sans doute, fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Moi j’ai choisi. Et vous ?

Bonne journée à tous.

 

Et pour mieux vous guider et vous faire réfléchir, plongez-vous dans les mystères et les secrets de La cinquième nouvelle...

Jésus fut assurément un homme de caractère mais pas forcément un joyeux drille. Croyez-vous qu'il ait jamais ri ? Voyez ce qu'en ont pensé les grands théologiens du Moyen Age.


La Plume et le Rouleau © 2002

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S
Arrêtez donc de vouloir nous enfumer avec ces fables au sujet d'un personnage, qui, n'a probablement JAMAIS existé !
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S
L'existence de Jésus est une spéculation de modernes. Les auteurs antiques n'ont jamais contesté son historicité.
C
Bonjour Sir Stephen,<br /> <br /> Votre colère montre combien Jésus existe.<br /> <br /> M.C
M
mon opinion: il y a longtemps déjà je pensais qu'aucun texte d’évangile est en faveur d’ une mort certaine sur la croix : il pousse un grand crie en s’exclamant : Eli, Eli, Lama sabachtani alors que la cruxifiction donne la mort par étouffement, il n’était donc pas épuisé, il « meurt juste après » ou plus vraisemblablement il perd connaissance ? En effet on ne lui brise pas les jambes, il est resté que six heures sur la croix ce qui est assez court pour une mort par crucifixion qui peut mettre jusqu’à plusieurs jours. En le faisant boire on a aggravé ses difficultés respiratoires, il perd connaissance. Le soldat perce le flanc avec une pointe de lance et le déclare mort, il en sort « de l’eau ». On peut supposer que cela l’a peut être sauvé : en défaillance cardiaque droite, un épanchement lymphatique s’est fait dans la plèvre, comprime le poumon, en la perçant, la lance soulage le poumon, ne respirant presque plus, la plèvre se collabe, puis descendu de la croix, sa tension remonte, il revient à lui mais feint le mort ou l’entourage cache sa reprise de connaissance
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M
mon opinion: il y a longtemps déjà je pensais qu'aucun texte d’évangile est en faveur d’ une mort certaine sur la croix : il pousse un grand crie en s’exclamant : Eli, Eli, Lama sabachtani alors que la cruxifiction donne la mort par étouffement, il n’était donc pas épuisé, il « meurt juste après » ou plus vraisemblablement il perd connaissance ? En effet on ne lui brise pas les jambes, il est resté que six heures sur la croix ce qui est assez court pour une mort par crucifixion qui peut mettre jusqu’à plusieurs jours. En le faisant boire on a aggravé ses difficultés respiratoires, il perd connaissance. Le soldat perce le flanc avec une pointe de lance et le déclare mort, il en sort « de l’eau ». On peut supposer que cela l’a peut être sauvé : en défaillance cardiaque droite, un épanchement lymphatique s’est fait dans la plèvre, comprime le poumon, en la perçant, la lance soulage le poumon, ne respirant presque plus, la plèvre se collabe, puis descendu de la croix, sa tension remonte, il revient à lui mais feint le mort ou l’entourage cache sa reprise de connaissance
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M
tout un article pour faire de la pub pour un livre ... vous en êtes l'auteur ?<br /> peu importe. votre faux-semblant scientifique ou historique n'apporte rien à la réflexion. ceux qui veulent croire le peuvent, ceux qui ne veulent pas ne seront certainement pas éclairés par vos raisonnements approximatifs qui ne conviennent qu'à vous seul.
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K
Votre texte "Les clous ne sont pas plantés dans la paume... mais dans l'humérus..."<br /> Faux! Le clou est planté dans le poignet tourné paume vers le haut dans la commissure entre le radius et le cubitus. Lorsque le clou traverse le poignet, le nerf médian est souvent sectionné, ce qui provoque immédiatement la contraction irrémédiable des doigts de la main.
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D
Souvent, comme l'esclave était crucifié entièrement nu, on entaillait avec un scalpel le sac testiculaire pour en extraire les testicules, ce qui provoquait des hurlements terribles chez le malheureux. Les testicules étaient ensuite consommés grillés, la saveur rappelait celle d'une crème de foie gras...
M
Article très bien raisonné et documenté. Deux petits bémols : l'implantation des clous était réalisée soit dans le carpe, soit entre le radius et le cubitus, et pas dans l'humérus... (os du bras et pas de l'avant-bras). Par ailleurs l'eau vinaigrée a été présentée à Jésus avant sa mort, pour l'abreuver (geste de compassion d'un légionnaire et non "torture" supplémentaire comme on le croit souvent... l'eau vinaigrée étant la boisson du légionnaire).<br /> Quant à la "résurection" ou plutôt la disparition du corps, il faut noter que le "simulacre" a été suivi immédiatement de la fermeture du tombeau sous les yeux des soldats romains qui montèrent la garde ensuite. Mais comme les seuls écrits ont été des écrits chrétiens...
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K
bonsoir, Jésus serait mort quel jour donc ?
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S
Selon les textes, il est mort le vendredi (= le vendredi saint, férié)
C
Je vous prie de ne pas parler de la mort du Christ avec légerté. La mort de Jésus ne doit pas être l'objet de développement scientifique en vue de satisfaire quelques curiosités. Elle va bien plus au-délà et transcende tout ce que l'on peut imaginer.
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S
Le rédacteur compare simplement les récits et livres bibliques aux faits réelles, il ne traite en aucun cas la résurrection du Christ mais ne fait qu'émettre des hypothèses plutôt valables. Chacun a ses croyance, les respecter est bien plus courageux que de les réfutés...
D
<br /> Madame, monsieur,<br /> <br /> <br /> Je me permets de vous écrire afin de vous faire part d'une information que vous ne détenez vraisemblablement pas.<br /> Lorsque vous parlez de "LA CRUCIFIXION, un supplice très élaboré" ne serait-il pas plus correct de parler du "CRUCIFIEMENT" ? En effet, il semblerait que le titre de votre article parle de ce<br /> supplice dans son sens commun et pas particulièrement de celui du Christ qui est donc appelé "Crucifixion".<br /> Il s'agit d'une erreur très répandue.<br /> <br /> Votre serviteur,<br /> <br /> D.D.T <br />
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S
<br /> <br /> Merci pour votre contribution sémantique.<br /> <br /> <br /> Je crois que les deux termes peuvent en effet également convenir en l'espèce : le crucifiement a été appliqué à Jésus Christ et, dans l'acception courante, a souvent été rempacé par crucifixion.<br /> <br /> <br /> Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />

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