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LA PLUME ET LE ROULEAU

LA PLUME ET LE ROULEAU

250 chroniques éclairent le présent à la lumière de l'histoire


1965 : La saga de l'ELECTION PRESIDENTIELLE (1)

Publié par La Plume et le Rouleau sur 5 Décembre 2006, 03:00am

Catégories : #Civilisation - vie politique - société

Cher(e)s Ami(e)s de la plume et du rouleau,
 
Offre de location à Paris (VIIIème arrondissement). Bel appartement meublé, traversant (nord-sud), situé 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré (hyper-centre), proche commerces et commodités (métro Madeleine ou Miromesnil)), nombreux placards, sans vis-à-vis, vaste jardin arboré, pas de digicode (mais gardien), draps, couvertures et voiture fournis… Loyer faible mais charges (de travail) élevées. Libre fin mai 2007. Références exigées (500 signatures d’élus). Dossier à retirer auprès du Conseil Constitutionnel…
 
Il va y avoir des postulants sur le trottoir…
 
Eh oui, vous l’avez compris, même si près d’un tiers des électeurs envisagent le vote blanc ou l’abstention, on n’y coupe pas, on n’y échappe : l’élection présidentielle au suffrage universel occupe l’essentiel de l’espace médiatique français en cette fin de 2006. Elle constitue le point d’orgue quinquennal de l’éternel psychodrame politique franco-français et, telle la Coupe du Monde de football (et avec à peine moins d’incertitudes), mobilise les énergies des supporters, des athlètes et des commentateurs de tous bords.
 
Pour élire au suffrage universel direct son « chef de l’exécutif » (selon la terminologie juridique exacte) la France n’est décidément pas un pays comme les autres. La foire d’empoigne permanente qui y tient le plus souvent lieu de débat d’idées ne saurait, dans l’Hexagone, se contenter d’une réduction bipolaire aseptisée entre un parti « conservateur » et un parti « social-démocrate ». Noooooon ! Chez les Gaulois, pardon, les Français, et en dépit de la quarantaine ( ! ) de partis politiques en France, chaque individu, chaque homme politique tient en effet à marquer sa différence individuelle au sein de son parti en y fondant au minimum une tendance voire, en désespoir de cause, un « nouveau parti… », un « mouvement… », un « rassemblement… », une « union… », un « front… », une « entente… », une « ligue »… C’est sous cette bannière quasi-individuelle que l’on n’hésite pas à se présenter.
 
Ainsi aboutit-on, à la grande perplexité des autres grandes démocraties, à l’immense racolage de la pré-campagne d’investiture des candidats puis au Premier Tour du scrutin où le nombre final de prétendants laisse pantois (16 en 2002 : record à battre !).
 
C’est l’occasion de nous pencher sur la portée de l’événement politique de l’année 2007 pour (comme toujours) le replacer dans une perspective historique pour en comprendre la portée actuelle avant d’en envisager l’avenir.
 
N’ayez cependant crainte : vous n’aurez pas droit à une soporifique litanie des différents scrutins ni à un rébarbatif exposé de droit constitutionnel « à la Sc-Po » (avouez que vous en avez peur, hein ?).
 
Toutefois, comme vos notions de droit des institutions politiques sont déjà un peu lointaines, je me permettrai juste un court préambule.
 
- Dans une démocratie digne de ce nom, il existe le principe dit de « séparation des pouvoirs » qui émerveilla tant Alexis de Tocqueville lors de son voyage dans la jeune Amérique (1840). En clair : il y a ceux qui font les lois (le pouvoir législatif), ceux qui ont le pouvoir de les faire exécuter (le pouvoir exécutif) et ceux qui ont le pouvoir de trancher les litiges nés de l’application de ces lois (le pouvoir judiciaire). Et ce ne doit pas être les mêmes.
 
- En outre, en théorie, l’Exécutif doit être, d’une manière ou d’une autre, soumis au Législatif : le premier étant « responsable » devant l’autre. Pourquoi ? Parce que le Législatif représente le Peuple (vous ! moi !), lequel doit être à la source de tout pouvoir.
 
- Mais, en pratique, tout est une question de dosage. Un législatif trop fort, se débarrassant trop vite de n’importe quel Exécutif (« renversant le gouvernement ») ? Cela nuirait à la bonne gestion du pays et le risque d’impuissance, de bazar et de gabegie serait grand. Un Exécutif trop puissant, disposant de prérogatives autonomes et échappant au Législatif ? Le risque de dictature pointerait alors à l’horizon.
 
Que faire alors ?
 
La démocratie américaine a résolu la question à sa façon à travers un régime dit purement « présidentiel » : le Président de l’Etat fédéral (l’Exécutif) et les Représentants des différents états (le Législatif) sont élus séparément au suffrage universel (l’un indirect et l’autre direct mais peu importe) pour 4 ans et selon un calendrier décalé. Chacun dispose de prérogatives fortes mais aucun des deux ne domine l’autre de façon absolue. Le Législatif ne peut « renverser le gouvernement ». Le président ne peut « dissoudre » le Législatif (pour obtenir une majorité qui lui est favorable par exemple). La « cohabitation » est donc une situation naturelle. Des mécanismes (dans le détail desquels nous ne rentrerons pas) permettent alors de résoudre les blocages.
 
Dans les faits, nous l’avons observé, les pouvoirs de l’Exécutif sont étendus et, à l’évidence, le président est bien le leader du système.
 
La majeure partie des démocraties (Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Allemagne, Canada, Japon, Israël…) a choisi au contraire un régime dit « parlementaire » : le gouvernement et son chef (l’Exécutif) sont tributaires de la confiance que lui accorde le Parlement (le Législatif). Que le premier perde cette confiance auprès du second ? Celui-ci met fin à son existence (le « renverse »). Pour assurer sa pérennité, le gouvernement et son chef (le « Premier ministre », le « Chancelier », le « Président du conseil »…) doivent donc en permanence rechercher le soutien d’une « majorité parlementaire » (une majorité de députés élus). Celle-ci lui est généralement assurée par le système électoral. Mais que les députés viennent à être divisés, que le gouvernement ne soit soutenu que par une « coalition » de partis disparates (en raison d’une trop forte proportionnalité des représentations par exemple), et l’instabilité menace avec le risque de voir la discorde nuire au bon gouvernement du pays.
 
Dans cette configuration institutionnelle, le « chef de l’Etat » (« roi », « reine », « empereur », « président »…) n’a quasiment aucun pouvoir. Il incarne le pays et la continuité de ses institutions mais ne participe que très rarement à sa vie politique. Vous connaissez ainsi sûrement les Présidents du Conseil allemand, italien ou israélien, mais qui connaît les présidents de ces pays ?
 
En France, on ne fait rien comme les autres (vous l’avez remarqué ?). Les multiples régimes (« Seconde », « Troisième », « Quatrième », « Cinquième » - ouf - république…) qui se sont succédés ont donc tous évolué à mi-chemin entre tout cela, au gré des pragmatismes, des positions idéologiques et des évènements historiques...
 
Nous allons ainsi voir dans quelles circonstances historiques la fonction de président de la république va être mise en place pour, dans le même temps, être d’emblée complètement dépourvue de substance, avant d’opérer un spectaculaire retour en force institutionnel à partir de 1965. Vous l’avez compris : c’est le plan du devoir…
 
Cent trente-cinq ans d’histoire nous appellent : rappelons-les faits, souvent pittoresques, parfois désuets, toujours étonnants !
 
Février 1848 : la révolution parisienne jette à bas le gouvernement du « roi des Français » Louis-Philippe. Après un demi-siècle d’Empire (Napoléon 1er) puis de Restauration de la monarchie (Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe), une République, la « Seconde République » est (enfin) établie.
 
La constitution est rédigée par une assemblée élue, pour la première fois, au suffrage universel : aucune condition de revenus n’est exigée. Mais ce suffrage est toutefois encore exclusivement masculin. Dans cette constitution et sous l’influence, notamment, du poète Lamartine, le « Président des français » et l’Assemblée Nationale doivent tous les deux être élus au suffrage universel (pour 4 ans). Il sont indépendants l’un de l’autre : toute proportion gardée, un peu à l’américaine, finalement.
 
Après quelques mois de tâtonnements, les élections présidentielles ont lieu en novembre 1848. Le candidat le plus « médiatique » y est le neveu de Napoléon Bonaparte : Louis-Napoléon Bonaparte. Avec des idées populistes indéniables, il incarne les espoirs d’une France qui veut définitivement rompre avec l’Ancien régime. Le 10 novembre 1848 : Louis Napoléon Bonaparte est massivement élu (74 % des voix) et jure de défendre les institutions.
 
Celles-ci prévoient, d’ailleurs, que le président ne peut pas être réélu au terme de son mandat de 4 ans. Pour les républicains modérés, Louis-Napoléon Bonaparte est, de par sa personnalité, l’individu idéal pour bâtir une France moderne, à la fois conservatrice et populaire, tout en consolidant les acquis de la république.
 
Mais patatras ! Grisé par le pouvoir, soumis à des pressions intenses d’un entourage personnel qui n’a cure d’un régime démocratique et convaincu de la nécessité d’établir un pouvoir fort (le sien, évidemment !), Louis-Napoléon Bonaparte effectue un coup d’état le 2 décembre 1851. Des insurrections éclatent : elles sont écrasées dans le sang. Dans un premier temps, Bonaparte s’octroie un mandat présidentiel de… 10 ans puis, un an plus tard, l’« empire » est rétabli ! Louis-Napoléon Bonaparte devient « Napoléon III ». A peine née, la république est déjà morte.
 
Les républicains, au premier rang desquels Victor Hugo, fulminent contre « Napoléon Ie petit », parjure et criminel. Ils n’oublieront pas de sitôt les risques de démagogie et de dictature que fait courir à une démocratie l’élection de son chef au suffrage universel direct par des masses immatures. Cet épisode va peser durablement dans les consciences politiques collectives.
 
Après une période d’autoritarisme d’une douzaine d’années, le régime s’assouplit politiquement à partir de 1860, parallèlement à des initiatives en faveur du peuple (droit de grève, droits syndicaux, amélioration de l’alimentation, de l’école, du logement, travaux d’urbanisme…). Qu’importe, les adversaires du régime accentuent leurs critiques contre celui-ci et guettent le moment de faiblesse qui leur permettra de le renverser. Ce moment se produira en 1870 dans le cadre, comme souvent, d’une défaite militaire.
 
En août 1870, en effet, à l’issue de provocations diplomatiques relativement bénignes, Napoléon III engage la France dans un conflit malheureux avec la Prusse du chancelier Bismarck. Or l’armée française est mal équipée (canons et fusils qui datent de 1815), mal préparée (pas de plan de bataille) et mal encadrée (officiers âgés, mal formés et gangrenés par des divisions politiques). En dépit de poches de résistances héroïques, elle subit rapidement plusieurs défaites. Napoléon III lui-même est défait, sans gloire, à Sedan, au soir du 2 septembre 1870.
 
La nouvelle arrive à Paris le lendemain et, le 4 septembre 1870, la république est proclamée par Léon Gambetta sur les marches de l’hôtel de Ville de Paris (on baptisera un jour une station de métro de cette date).
 
La république s’installe donc en France : c’est la « Troisième » !
 
La « république », la république… Est-ce en 1870 une évidence pour gouverner la France ? Cela répond-il à un vœu profond de la population française, de la masse, du peuple, quoi ?
 
Non.
 
Loin de là, même. Car, sitôt Paris obligé de capituler face à la Prusse de Bismarck (janvier 1871), sitôt l’empire allemand proclamé de façon humiliante au château de Versailles et sitôt le statut de capitale confié à cette même ville, les Français (sacrés Français) élisent en février 1871 à la Chambre des députés une majorité parlementaire de notables et d’aristocrates de tendance… monarchiste !
 
Sincèrement, croyez-vous que ce pays soit réellement gouvernable ?
 
Et pourtant, au vu des élections législatives de 1871 (une Chambre des Députés à majorité monarchiste), il semble clair, pour beaucoup, que la « république » proclamée six mois auparavant n’est qu’un régime provisoire. Aussi, le 17 février 1871, l’Assemblée nationale prend-elle le décret suivant :
 
« L'Assemblée nationale, dépositaire de l'autorité souveraine, Considérant qu'il importe, en attendant qu'il soit statué sur les institutions de la France, de pourvoir immédiatement aux nécessités du gouvernement et à la conduite des négociations, décrète :
 
M. Adolphe Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française »
 
Il s’agit dans les faits de temporiser en vue du rétablissement de la royauté : le régime qui a « fait » la France depuis mille ans.
 
Mais la royauté… la royauté… c’est vite dit. Pour quel roi au fait ?
 
Il existe en effet à l’époque deux clans parmi les royalistes (ils existent toujours aujourd’hui, du reste). Il y a d’une part les « Orléanistes », partisans des descendants de Louis-Philippe (chassé en 1848). Il y a d’autre part les « Légitimistes », partisans des descendants de Charles X (frère de Louis XVI) et chassé, lui, en 1830. Le détail de ces controverses juridico-généalogiques (pourtant passionnantes mais assez techniques) ne sont pas du propos de cette étude : au final, dès 1871, dans un bel élan unanimiste, les uns et les autres s’accordent sur la personne du « Comte de Chambord », petit-fils du roi Charles X et donc petit-neveu de Louis XVI.
 
Pendant que Thiers administre les affaires courantes, lève un emprunt pour que les Prussiens évacuent le territoire et écrase la révolte de la « Commune de Paris (18 mars – 28 mai 1871), tout se prépare donc pour que la république soit rapidement de nouveau déchue. Il est prévu que le Comte de Chambord se rende prochainement à l’Assemblée nationale : il y sera acclamé par les députés. Puis la monarchie sera alors rétablie quand « Henri V » montera sur le trône de France. Simple, quoi.
 
Hélas, « Henri V » est un personnage entêté et vieux jeu qui fait le désespoir même de ses propres partisans. Alors que le pouvoir lui est livré sur un plateau, il exige dès juillet 1871, pour l’exercer, que le drapeau bleu-blanc-rouge (emblème de la nation depuis 1794) soit remplacé par le drapeau blanc, symbole de la royauté !
 
Pour tous, cette exigence surannée apparaît hors de propos dans l’immédiat. La priorité est de prendre d’abord le pouvoir, les changements de symbole étant secondaires lui disent ses conseillers. Pas du tout, répond « Henri V », les symboles sont au contraire fondamentaux : pas de drapeau blanc ? Pas de monarchie, na !
 
Ses partisans, évidemment, s’arrachent les cheveux.
 
Car pendant que le « roi » tergiverse, la république, elle, cahin-caha, s’enracine sous les efforts des députés républicains modérés, symboles d’une bourgeoisie conservatrice qui entend bien ne pas céder à l’aristocratie d’autrefois le pouvoir qu’elle a gagné depuis cinquante grâce à son travail et à son épargne.
 
Le 31 août 1871, la loi dite « Rivet » donne à Adolphe Thiers, jusqu’ici « chef de l’Exécutif », le titre de « président de la République ». Le temps passe alors et les affaires courantes sont expédiées tandis qu’« Henri V » s’arc-boute sur ses convictions. Il les réitère encore par écrit en octobre 1873, après plus de deux ans de négociations qu’il refuse en bloc : pas de drapeau blanc, pas de monarchie ! Les monarchistes en viennent à espérer son décès rapide au risque de voir leurs espoirs de restauration disparaître définitivement.
 
Le risque est grand car, le 20 novembre 1873, la loi institue une fonction de « Président de la république » déconnectée de la personne d’Adolphe Thiers.
 
Pour remplacer Thiers, tout le monde s’accorde sur le très conservateur et… très monarchiste maréchal Patrice de Mac-Mahon (65 ans à l’époque). Il doit occuper la place en attendant que « Henri V » ou son successeur se décide enfin à restaurer la royauté.
 
Mais pour quelle durée ?
 
La Commission de l’Assemblée propose 5 ans tandis que les députés monarchistes les plus durs évoquent 10 ans. On interroge Mac-Mahon et, finalement, l’on se met d’accord sur la durée : 7 ans. En sept ans, on sera bien capable de trouver un prétendant au trône, non ?
 
Toutefois, pour cette période, il est nécessaire de définir concrètement le mode de fonctionnement des institutions. Pendant deux ans, les républicains (minoritaires) tentent donc d’enraciner la république dans des textes, tandis que les monarchistes (majoritaires) font de l’obstruction dans l’attente d’une restauration. Les discussions traînent en longueur (« Henri V », lui, continue de bouder dans son coin).
 
Le tournant a lieu en 1875.
 
Le 31 janvier 1875, dans le cadre de la préparation de la loi d’organisation du Sénat (qui sera votée trois semaines plus tard), les députés (y compris monarchistes) votent un amendement connu sous le nom d’« amendement Wallon » (Henri Wallon est député du nord, lui-même monarchiste mais pragmatique au plan institutionnel). Cet amendement va être l’acte fondateur de la république gravant pour l’avenir des dispositions qui n’existaient jusqu’ici qu’à titre transitoire:
 
« Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des Députés réunis en Assemblée nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible. »
 
Ca y est. Juridiquement, la France vit en république, elle a un président et il est élu pour sept ans ! Sept : un chiffre à la fois magique, biblique et mythologique … 
 
Sept ! Comme les 7 jours de la création biblique et ceux de la semaine, comme les 7 étages de la tour de Babel, les 7 plaies d’Egypte et les 7 merveilles du monde antique. Sept comme les 7 vertus chrétiennes (3 « théologales » et 4 « cardinales ») qui vont de paire avec les 7 sacrements du Chrétien, les 7 fêtes de la vierge Marie, les 7 cercles de l’Enfer et les 7 péchés capitaux. Sept comme les 7 chakras hindouistes et les 7 cieux de l’Islam (ah, le « Septième Ciel »…! ). Sept comme les 7 sages de la Grèce antique, les 7 collines de Rome, les 7 métaux des astrologues. Sept aussi comme les 7 couleurs de l’arc-en-ciel, les 7 mercenaires, les 7 samouraï et les 7 vertus du bushido (leur code d’honneur), les 7 nains de Blanche-neige, les 7 lieues des bottes magiques, les 7 notes de la gamme diatonique, les 7 ans de l’âge de raison (êtes-vous sûr de les avoir jamais eus ?), 7 comme le nombre de fois où l’on doit tourner sa langue dans sa bouche et le niveau de ph neutre et j’en passe…
 
Soyons sérieux : le gouvernement d’une nation ne s’accommode jamais d’irrationnel. Sinon cela se saurait…
 
Revenons donc à la république naissante au tournant de 1873. Les institutions vont être complétées par 3 lois promulguées deux ans plus tard : 24 et 25 février 1875 (organisation du Sénat et des pouvoirs publics) et 16 juillet 1875 (rapports entre les pouvoirs publics).
 
Ces institutions sont le résultat de compromis entre les républicains et les monarchistes. Les premiers ont réussi à arracher aux seconds le terme de « république » mais ont concédé un parlement bicaméral (2 chambres) et un pouvoir exécutif fort, celui du Président de la république, quasi-monarque républicain dans les textes. Voyons-en les principales prérogatives.
 
- Le président de la République est rééligible indéfiniment par le parlement mais n’est pas responsable devant le peuple.
- Pourtant il a l'initiative des lois, à l’instar des membres des deux chambres (élus, eux).
- Il promulgue les lois, il en surveille et en assure l'exécution. Mais si il n’est pas d’accord avec celles-ci, il peut techniquement en ajourner la promulgation (c’est-à-dire la mise en force exécutoire) !
- Il a le droit de faire grâce (comme le roi autrefois)
Il dispose de la force armée (il est le chef des armées et a donc la légalité en sa faveur pour employer la force des baïonnettes…)
- Il nomme à tous les emplois civils et militaires (ça veut dire qu’il s’entoure des hauts fonctionnaires qu’il veut).
- Il préside aux solennités nationales, les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui, il négocie et ratifie les traités éventuellement sans que l’Assemblée nationale n’ait son mot à dire (il incarne la nation vis-à-vis de l’étranger)
- Il peut dissoudre l’Assemblée nationale (c’est-à-dire démettre de leurs fonctions des députés élus par le peuple tout en n’étant lui-même pas élu par le peuple)
- Il n’est pas responsable devant l’Assemblée nationale (seul le gouvernement est responsable devant le Parlement) tout en ayant été élu par elle : trop fort !
 
Notons là que la future Vème république reprendra (en 1958) quasiment mot pour mot les dispositions relatives à la promulgation des lois, le droit de grâce, la direction des forces armées, l’accréditation des ambassadeurs et la dissolution… Mais n’anticipons pas.
 
Sur le papier, le président est indéboulonnable et a les moyens de mettre le parlement à sa botte. Ce que Mac-Mahon (ci-contre) ne sait pas, c’est que comme le dira le général De Gaulle moins d’un siècle plus tard, une constitution n’est pas seulement un texte juridique, « c’est un esprit, des institutions et une pratique ». Et la pratique politique va complètement bouleverser la donne juridique, à la suite d’une crise institutionnelle aiguë.
 
Les problèmes commencent au printemps 1876 quand, au terme de la première législature de cinq ans, de nouvelles élections législatives ont lieu. En cinq ans la France a (encore) changé d’avis, elle ne donne cette fois plus la majorité aux monarchistes mais aux « libéraux-démocrates » : des républicains purs et durs au plan idéologiques mais d’extraction bourgeoise et d’inspiration réformiste, tels que Jules Ferry ou Léon Gambetta.
 
Pour Mac-Mahon, réformer c’est déjà trop. Monarchiste dans l’âme, il fulmine en voyant que le « Président du Conseil » (le chef du gouvernement) est désormais un dénommé Jules Simon (pourtant « profondément conservateur et profondément républicain » comme il se définit lui-même). Ce dernier est partisan de la laïcité de l’Etat, de l’école pour les filles, du divorce… De la France qui fout le camp, quoi !
 
Voici venue la première « cohabitation » de l’histoire de la (jeune) république française…
 
Or, évidemment, aucun des deux pouvoirs n’a l’intention de « cohabiter » avec l’autre.
 
- Les députés estiment qu’ils incarnent la volonté populaire la plus directe puisqu’ils sont issus du suffrage universel direct. Le gouvernement doit être responsable devant eux. C’est tout.
 
Mac-Mahon, à l’inverse, estime que, considérant l’étendue des pouvoirs qui ont été dévolus (par les députés eux-mêmes) au Président de la République, le gouvernement doit au contraire être à ses ordres. Il a un mandat et entend le remplir, il rappelle qu’il est élu pour sept ans et qu’il est donc là pour commander. Vu ?
 
Le 16 mai 1877, Mac-Mahon exige et obtient la démission de Jules Simon.
 
C’est comme ça ? disent les députés. Bien ! Ils refusent alors la confiance au gouvernement du duc de Broglie qui, à peine formé, est donc renversé ! Tiens, prends ça…
 
Ah oui ? réplique Mac-Mahon. Parfait ! Le 25 juin 1877, il dissout la Chambre des députés et convoque de nouvelles élections législatives pour le mois d’octobre suivant. Et paf ! Ca leur apprendra.
 
Hélas, vous le savez bien : avec une dissolution, on sait ce que l’on perd mais l’on ne sait pas ce que l’on trouve. Et à vouloir dissoudre sur un coup de tête, on peut très bien se retrouver avec une majorité… d’opposants ! D’ores et déjà, avant le résultat, Léon Gambetta menace, des trémolos dans la voix  : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre. »
 
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K
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